Je suis fascinée par la capacité du corps humain à refléter nos états d'âme et nos névroses.

Parlons du poids. Du surpoids, plutôt. Quand il n'est pas causé par une quelconque maladie.

Ah c'est facile quand on grandit dans la culture de la bonne bouffe de se laisser petit à petit envahir... jusqu'à ne plus se reconnaître.

Jusqu'à sursauter quand on se voit en photo, à ne pas se reconnaître, à ne pas s'attendre à ressembler à ça.

Jusqu'à sangloter dans une cabine d'essayage parce que ce genre de magasin ne fait pas notre taille.

Jusqu'à s'habiller toujours un peu pareil, une fois qu'on a trouvé le vêtement qui nous donne l'illusion de faire illusion. Pour ne pas se poser de questions.

Jusqu'à sentir la boule d'angoisse dans la gorge en permanence en se comparant à des silhouettes auxquelles de toute façon on n'aurait jamais ressemblé.

Tenter 50 solutions plus miraculeuses les unes que les autres. Et échouer. Chuter, rechuter, comme avec une drogue. S'en prendre plein la gueule par des apparentés trop bien intentionnés. Du genre, "tu es sûre que tu en reprends ? C'est dommage, tu étais tellement jolie quand tu étais plus mince". Oui, mais l'intérieur il n'a pas changé.

C'est exactement ça. L'intérieur n'a pas changé et ne se reconnaît plus dans un corps qu'il refuse. Et pourtant, pas faute de n'en plus pouvoir, n'y rien pouvoir. Ne plus y croire.

Sembler assumer. Sembler faire celle qui vit bien dans son corps, qui de toute façon sait qu'elle n'est pas une Claudia-porte vêtement, mais qui a au moins l'intelligence, l'esprit, la capacité à aimer... j'en passe.

J'ai eu mon déclic. Le jour où je me suis dit que la vie d'une femme est déjà éprouvante pour son corps. Et que tant qu'à faire, autant ménager un peu la machine avant de tomber sur le carreau. Il faut dire qu'Oedipe était réglé et que L'Amoureux m'assurait déjà de son amour infaillible depuis un certain temps. La chance, donc, de retrouver l'équilibre affectif dont j'avais besoin pour me passer de ma carapace de graisse.

Il en reste, certain, parce que les plaisirs de la vie sont ce qu'ils sont. Mais je peux de nouveau m'habiller dans les magasins "normaux". Parfois je suis très fière du chemin accompli. Parfois triste en regardant le chemin qui reste à faire. Mais j'ai décidé, pour mes futurs mouflets, de ne pas leur voler de temps pour le consacrer à perdre (ou digérer) 25 ou 30 kilos superflus.

En bref, mon cerveau et mon corps sont en bonne voie de réconciliation. A défaut de se reconnaître complètement, ils admettent faire partie de la même famille. C'est déjà ça. C'est beaucoup.

Je ne suis pas une fille particulièrement attachée aux apparences. Mais il y en a une que je lis et qui me fait mal au bide. Parce qu'à la lire, j'ai l'impression qu'elle ne trouve pas le chemin dans son labyrinthe intérieur. J'aimerais lui faire des signaux à la sortie pour lui assurer que le chemin existe vraiment. J'aimerais lui faire partager le bien-être de l'après, pour trop bien connaître les souffrances avouées ou non qu'elle vit. Et pourtant, ce chemin, personne ne peut le faire à sa place.

Si tu passes par là, si tu me lis, je te souhaite bon courage. Ca vaut la peine de mettre de l'ordre dans sa tête et dans son corps. La vie prend un autre goût après. Et dans ton cas, je me doute que faire le ménage est douloureux. Qu'il y a mille et une raisons pour que ton subconscient freine des quatre fers pour ne pas se retrouver en face de choses qui font mal.

Juste bon courage, donc.