Quand j'avais une toute petite vingtaine d'année (ou une grosse dix-septaine, au choix), je pensais que l'amour, c'était comme dans les romans d'Alexandre Jardin. Tonitruant, outré, exacerbé. Pas quelque chose qui se chuchotait, en tout cas.

Je pensais très sincèrement que pour vivre heureux longtemps, le modèle de cohabitation idéal, c'était deux appartements séparés sur le même palier.

Je croyais aussi qu'il ne fallait surtout pas essayer de changer "l'autre", mais que si je me façonnais à l'image de ce que ce "il" potentiel pouvait attendre, ça irait bien.

Autant vous dire que ça n'a pas été tout seul.

Plus de dix ans plus tard, je me dis que les plus belles déclarations tiennent parfois juste dans tous les petits actes du quotidien, les presque silencieux. Qu'afficher son amour en 4x3 dans les couloirs du métro, c'est avant tout se mettre en position de s'aimer soi même dans le rôle du / de la romantique, de se rassurer soi-même plus que d'aimer vraiment.

Mais que tous les minuscules abandons à ce qu'on ferait si on était seul, ces petits riens amoureusement offerts à l'autre, ça a peut-être moins de panache mais sans doute plus de sens, dans la durée.

En fait en y pensant, je me dis souvent que c'est aussi celà qui fait l'alchimie des unions particulières. La sensation que tout vient "évidemment", sans faire d'efforts. Sans grands sacrifices à notre liberté, en tout cas. Et que ça peut être toute la différence entre quelqu'un qu'on aime avec qui on vit, on accomplit cette histoire d'amour et quelqu'un qu'on aime ou qu'on pourrait aimer mais avec qui l'histoire prendra un autre chemin. La sensation d'évidence, de facilité des accords quotidiens, l'harmonie du petit déjeuner, l'unisson des biorythmes ?

(Et dans dix ans, j'en penserai quoi, de tout ça ?)