J'AI TANT REVE DE TOI
Par Chiboum le mercredi 3 mai 2006, 08:52 - A lire, à écouter... - Lien permanent
Je ne suis pas très bon public pour la poésie, en général.
Cette manie de lire trop vite, peut-être, bien qu'en prose certains aient le don de manier les mots de telle façon qu'ils m'attrapent au vol fort efficacement... je ne sais pas. Ou peut-être cette manière de nous apprendre la poésie à l'école, sans trop de considération pour le sens, juste le par coeur et bien réciter, ligne après ligne ?
Toujours est-il qu'en cherchant une phrase qui m'échappait l'autre jour, je farfouillais et tombais sur un vieux souvenir.
Desnos est ma grande exception. Desnos le méconnu, dont on se rappelle vaguement la fourmi de 18 mètres, avec un chapeau sur la tête, ça n'existe pas (et si ma mémoire est bonne elle tirait un char plein de pingouins et de canards, ce qui ne lasse pas de m'amuser aujourd'hui, mais ça n'a rien à voir).
Desnos qui a écrit aussi tant de choses poignantes, émouvantes, qui a aimé et a souffert et l'a si bien traduit en mots.
Alors hop, ceci pour vous. Cadeau. Et puis Destinées Arbitraires dans ma table de chevet.
J'ai tant rêvé de toi
J'ai tant rêvé de toi
que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant et de baiser
sur cette bouche la naissance de la voix qui m'est chère?
J'ai tant rêvé de toi
que mes bras habitués en étreignant ton ombre
à se croiser sur ma poitrine
ne se plieraient pas au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante et me gouverne depuis des jours et des années,
je deviendrais une ombre sans doute.
O balances sentimentales.
J'ai tant rêvé de toi
qu'il n'est plus temps sans doute que je m'éveille.
Je dors debout, le corps exposé à toutes les apparences de la vie et de l'amour et toi,
la seule qui compte aujourd'hui pour moi, je pourrais moins toucher ton front et tes lèvres que les premières lèvres et le premier front venu.
J'ai tant rêvé de toi,
tant marché, parlé, couché avec ton fantôme
qu'il ne me reste plus peut-être,
et pourtant, qu'à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois que l'ombre qui se promène et se promènera allégrement sur le cadran solaire de ta vie.
Robert Desnos - 1930
(Ce que je cherchais à l'orgine est un écho de ce poème, dont on ne sait pas s'il est dû à une traduction du Français au Tchèque puis encore vers le Français quand Desnos était en camp de concentration, ou s'il s'agit d'une "Variation sur le même t'aime"... en forme de dernier poème avant sa mort en 1945
J'ai tellement rêvé de toi
J'ai tellement marché, tellement parlé,
Tellement aimé ton ombre,
Qu'il ne me reste plus rien de toi,
Il me reste d'être l'ombre parmi les ombres,
D'être cent fois plus ombre que l'ombre,
D'être l'ombre qui viendra et reviendra
Dans ta vie ensoleillée.
Robert Desnos - 1945)
Commentaires
Je ne connaissais pas ce poème : très beau ! ^^
A 10 ans, lorsque j’ai visité le camp de concentration dans lequel avait été déporté Robert Desnos, ce fut le choc, de réaliser que la barbarie des hommes pouvait aller jusqu’à s’attaquer à un poète inoffensif auteur de « la fourmi de 18 mètres ». :-/
Pas besoin de rêver ! On se retrouve tous les soirs ! :-E
swahili, j'imagine que le choc a été rude, en effet...
L'Amoureux, ah quel poète celui-là :-P T'es pas en réunion, toi ? Tiens, on a reçu le lit pop-up. Le truc c'est que je peux le déplier, l'assembler, le replier, mais pas tout remettre dans le sac... humhum...
Oups, j'ai lu trop vite. Mais ça marche quand même: J'ai tant rêvé de toi, ensoleillée.
C'est joli quand même.
Bon je sors.
Je suis un peu comme toi en ce qui concerne la poésie. Et puis quand on lit ce poême de Desnos comment ne pas aimer, et ne pas être émue ? Je regrette bien de ne pas être plus réceptive à la poésie. Bonne journée, il a l'air de faire très beau !
Quouaaaa ?
:-x
Le lit pop-up est arrivé ?
Je me demande ce que Desnos en aurait dit ? S'il y aurait mis sa fourmi de 18 mètres ? :))
Mes souvenirs de Desnos sont accrochés aux cours de Français au Lycée. En fait, je ne compte plus les auteurs que j'ai relu plus tard avec plaisir parce que les étudier à l'école ça me barbait. :-PP
J'ai toujours besoin de cours de rattrapage ! :))
Barnabé, ah... il est dit qu'il te sera pardonné beaucoup, tu peux rester, va
Fauvette, c'est quelqu'un que j'ai eu l'impression de découvrir "pour de vrai" après l'école, en fait. Oui oui il fait beau, profitons-en !
LaVitaNuda, je gage que l'expression même lui aurait inspiré moultes chantefables ! Nous au lycée c'était Breton et l'incontournable Nadja... j'aurais préféré Desnos, je crois. Je te raconterai comment c'est venu dans le cadre scolaire, mais pas du tout celui qu'on croit, alors !
J'ai aussi tendance à préférer la prose. Mais merci de nous offrir la lecture de ces mots de Desnos, il est impossible de s'en lasser...
J'avais écrit ce poème dans mon agenda quand j'étais au collège, pour pouvoir le relire à volonté. Mais il m'était sorti de la tête entre temps, dés les premières phrases tout m'est revenu en tête. C'était aussi mon préféré. Sinon, comme toi je n'ai jamais réussi à être vraiment sensible à la poésie, à l'exception de Desnos et puis de René Char aussi (dans un autre genre). ça m'a fait plaisir de m'en souvenir ce soir.
Je ne connaissais pas, c'est joli :)
hou laaa, et tu arrives à le relire sans verser de larmes même en état d'hypersensibilité oestrogénale ?
Véro, comme tu dis !
Junko, à la fois ça me fait plaisir et je ne suis pas surprise. Oui tu as raison pour René Char, bien sûr. Ca me fait plaisir que ça te fasse plaisir, en tout cas.
Alors tant mieux, Missy'V, si c'est une belle découverte.
Jujuly, même sans l'hypersensibilité oestrogénale, jamais pu sans pleurer :-)
Ô belle Chiboum qui illumine ces lieux de ta prose enchanteresse… je suis sûre, avoue-le, que ces beaux poèmes tu les penses pour ceux que tu aimes… et en secret pour le baby qui comprend tout!
Moi j'aime bien les poésies (mais il y en a autant de sorte que de musiques!), souvent je ne comprends rien mais c'est comme respirer un parfum, après tout… ^^
(scrogneugneu de spamplemousse!)
Bien sûr, Fazou, comme tout ce qui nous émeut, on le pense pour ceux qu'on aime ! ^^
Merci du fond du coeur car je viens de retrouver ce poeme que je connaissai deja sur ce blog. Ce poeme de Desnos m'a marquer a vie la pemiere fois que je l'ai lu. Je vous conseille a TOUTES et a TOUS de lire "L'impossible oubli" qui est un livre formidable parlant de la seconde guerre mondiale(c'est au travers de ce livre que j'ai decouvert ce poeme) mais attention on prend une claque...Desole par contre je ne me rapelle plus de l'auteur. Merci encore!!!!! Petit mot pour finir la terre ne nous appartient pas on l'empreinte a nos enfants alors autant ne pas foutre le bordel et cessons cet individualisme de merde!!!!!! Desole ca m'arrive des fois je pousse mon coup de gueule. Et puis surtout vive l'amour!!!!!!!!!!!!!!!!!
Je crois que tout est dit, fredouille, vive l'amour :-)
cela fait des années que j'ai quelques brides de ce poème au fond de ma mèmoire, environ 32ans, j'étais au lycée...je viens de le retrouver grace au web, et à toi, merci..
Et bien il n'y a pas de quoi, maminana !
E nèm ce poème... tss et on vient de me dire que c'était de la poésie adolescente du type "je voudrais être une larme pour naître dans tes yeux"... je t'en donnerai moi de la poésie adolescente. Chouette blog, chouette page !
Merci LL
J'aime ce poème comme aucun autre car Desnos à su mettre en mots ce que j'ai ressenti deux ans de ma vie, que je ne comprennais pas et que je ne savais pas exprimer.. En tout cas je ne conaissais pas le "sencond" poème (le plus courts) qui est tout aussi beau que le premier.. =)
A oui, il me rappelle d'excellents souvenirs...
et tu connais celui là?
Demain
Agé de cent mille ans, j'aurai encore la force De t'attendre, ô demain pressenti par l'espoir Le temps, vieillard souffrant de plusieurs entorses Peut gémir, le matin est neuf, neuf est le soir.
Mais depuis trop de mois nous vivons la veille Nous veillons, nous gardons la lumière et le feu nous parlons à voix basse et nous tendons l'oreille A maint bruit vite éteins et perdu comme au jeu
Or, du fond de la nuit, nous témoignons encore De la splendeur du jour et de tous ses présents Si nous ne dormons pas c'est pour guetter l'aurore Qui prouvera qu'enfin nous vivons au présent
Desnos, encore...
Desnos pour toujours, Artscène !
bonheur de trouver sur un même site deux de mes poèmes préférés, que je venais de citer à une amie néerlandaise protestante de mon âge ( bientôt 63 ans: je suis née quelques heures avant la mort de Desnos) pour la convaincre qu'on peut-être athée, humaniste et plein d'espoir, ... et amoureux! et il y a aussi, dans Corps et Biens,"Désespoir du soleil" ("...C'est le poème du jour où le sphinx se couche dans le lit de la vagabonde et malgré le bruit persistant lui jure un éternel amour digne de foi...Rêvons, acceptons de rêver c'est le poème du jour qui commence." et "Vie d'ébène" ("...Une mouette fantomatique m'a dit qu'elle m'aimait autant que je l'aime Que ce grand silence terrible était mon amour Que le vent qui portait la voix était la grande révolte du monde Et que la voix me serait favorable." Quel souffle, non?
Tellement beau ce poème, je l'ai découvert une beau jours de Septembre car il me fut lu enfin plutot chuchoter à l'oreille par un comédien ... une experience magnifique, j'en garde un souvenir flamboyant... de quoi faire aimer la poésie à tout les récalsitrant. :)
Il est tres belles ( je ne parle pas francais)