DEJA PLUS LA
Par Chiboum le mercredi 28 juin 2006, 08:59 - All about Chiboum - Lien permanent
Il y a quelque chose d'étrange à voir ceux qui ont longtemps été nos protecteurs s'étioler.
Cela ne m'avait que modérément frappée quand mes oncles et grands-pères sont tombés malades puis sont morts. Sans doute parce que les dernières fois où je les ai vus, ils "habitaient" encore leurs corps, les changements physiques étaient là, les signes de la maladie inéluctables, on ne pouvait pas les ignorer, mais c'était encore eux dans la pupille, dans le mot...
Quand ma grand-mère (l'autre, pas celle aux coups de fils) a eu une attaque il y a deux ans, un peu plus, j'ai eu le triste privilège d'être la première avertie. Le triste privilège aussi d'être la première à la voir, le premier des quelques jours qu'elle a passés dans le coma.
Le diagnostic était "réservé", comme on dit. On savait que si elle en sortait, il y avait un risque de séquelles importantes. Mais au "on ne peut rien dire pour le moment", scientifique et rigoureux des médecins, mon coeur battait que c'était la fin.
Comment décrire alors les montées d'adrénalines qui vous saisissent quand une paupière tressaille, quand un doigt bouge, et que ce ne sont que des réflexes ? Bouffée d'un espoir irrationnel à chaque fois, contredite par le cerveau qui dit "n'y crois pas, surtout n'y crois pas..."
Comment décrire ce corps qui, vidé des habitudes de son occupante, révèle au lieu de la personne aimée le physique d'une vieillarde presque méconnue ?
Le corps est bien trompeur quand il est déserté par celui ou celle qui l'anime, pas encore tout à fait résigné, mais déjà plus là...
Commentaires
C'est dur à avouer mais c'est dans ces instants que l'on s'interroge, que l'on se questionne... savoir si, au fond de soi, on ne préfèrerait pas finalement les laisser partir vite vite... et garder égoistement en mémoire les instants de vie, les souvenirs heureux, vivaces, les échanges... plutôt que de veiller cet être vivant mais totalement absent qui ne ressemble plus vraiment à celui que l'on a connu. Cruel dilemne, certes, mais quelque part c'est ce qui nous permet d'avoir la force de tenir face à ce type d'épreuves et à leur potentielle issue...
Je partage tes dires pour les avoir vécu... :-/
Je n'ai pas de réponse, Smilygirl. Je crois que quel que soit le choix qu'on fait, c'est un moment difficile à vivre et qu'on va le porter avec soi longtemps. Et puis aussi, que le deuil c'est une histoire entre soi et soi, alors les choix doivent être faits en fonction de ce qu'on vivra le mieux, pas comme on pense que l'autre aurait pensé. En tout cas, pas de recette miracle...
L'Amoureux, (k)
Malgré ma formation scientifique qui devrait me permettre d’aborder rationnellement cette situation, je redoute beaucoup d’être un jour confrontée à cette rencontre. J’ai la chance d’avoir été épargnée jusqu’à maintenant, mais j’y pense de plus en plus et la perspective de côtoyer un corps familier si proche de l’au-delà, me tourmente…
Tu as raison... nul n'est égal face à ce type de situations, pas de "recette miracle" comme tu dis.
Pourtant qu'il semble encore si difficile aujourd'hui, d'accepter l'affaiblissement progressif de ceux qu'on croyait invincibles, étant enfant...
swahili, c'est normal... et j'espère que tu seras épargnée encore longtemps.
smilygirl, c'est difficile. Bien sûr que ça l'est. Et je suppose que ça doit l'être pour mieux rebondir après...
elle etait sortie du coma depuis 3 jours quand je suis arrivée( 1000 km en 12 h de voiture de nuit !), on m' avait prevenue elle ne reconnait pas grand monde : et la je rentre dans la chmabre je ne la reconnais pas : y' a une personne qui dort dans cette chambre et c'est qui ?? je sors , respire et reviens et la je la vois elle a perdu au moins 20 kgs , on lui a enlevé son dentier et ses beaux cheveux sont en vrac: oh ma grand mere qu' ont ils fait de toi : j' ai attendu 2 h qu' elle se reveille et là elle a tourné la tête et a dit je savais bien que tu viendrais me voir et m' a demandé comment allait mes petits : on a parlé , rit , soupiré et je suis partie : je lui ai dit au revoir à ma mamie : j' ai pu avoir ce temps là , ces deux heures avec elle resteront dans ma memoire la mort ne previent pas mais on devrait pouvoir dire au revoir
Merci Barnabé. (k) toi aussi.
Minipitou, ce temps-là je ne l'ai pas eu, et en même temps je ne sais pas si je le regrette vraiment. Je sais que les derniers instants conscients de ma grand-mère ont été consacrés à des choses qui lui ressemblaient, alors que si elle s'était réveillée (et dans quel état), ça n'aurait pas été le cas. Mais en tout cas je suis contente pour toi si tu as eu ce "soulagement" là.
Moi aussi je t'embrasse, ma chère Samantdi. (k)
On a beau savoir que nos ainés vieilliront avant nous et qu'il faudra un jour se confronter à ce type de situation, pas grand chose ne peut nous y préparer vraiment.
Bien obligé de faire avec ce qui arrive, et avec nos sentiments et émotions tout mélangés, de "tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir" face à "ce presque plus rien". N'empêche qu'on se sent vraiment démuni.
:-(
Démuni, et puis triste et malheureux(se), oui, LaVitaNuda. Et puis à part laisser une fois de plus le temps faire son boulot, et la vie reprendre le dessus, il n'y a rien à y faire (sauf peut-être de très bons gâteaux au chocolat, surtout s'ils nous rendent riches incessamment). (k)
Oh oui, tiens, des gateaux au chocolat !
Ma grand-mère a été "grabataire" pendant presque 2 ans, elle ne nous reconnaissait plus et je préfère ne pas parler du reste... Pour moi, c'était à la fois elle sans être elle, je dois avouer avoir été soulagée à sa mort d'avoir enfin le droit de faire son deuil, je l'aimais tant.
C'est mon père qui s'est occupé d'elle tout ce temps, et ce n'est pas peu dire que cela a été très dur, moralement et physiquement. Mais lui n'a jamais voulu admettre que c'était la fin, jusqu'au bout elle était sa mère et jamais une vieillarde incontinente...
Chacun réagit à sa manière...
Samantdi, je t'en prie, il en reste, sers-toi !
Nounou, oui, chacun sa manière, là est encore la meilleure façon de vivre les choses. Et là, les interactions familiales peuvent s'avérer très très compliquées à gérer (oui oui, c'est du vécu...)
Moi qui ne voit pas mes parents très souvent, je trouve mon père chaque fois un peu plus âgé, un peu moins mobile, un peu plus perclu de douleurs... J'appréhende la suite, j'avoue. (et suis donc candidate aux gâteaux au chocolat, siouplait !)
Traou, c'est quand tu veux ! D'ailleurs il y a actuellement du gâteau au frigo, donc... (et puis bon courage)
Je ne veux bien me résoudre à la mort que lorsqu'elle est dans l'ordre des choses !
Des (k)
Ta première phrase trouve un echo si fort en moi, par rapport à l'angoisse qui me taraude pour mes parents. Et ça va tellement vite sur la fin, et on ne sait pas quoi faire, et on se souvient d'eux quand ils étaient jeunes, et en pleine forme, et on a envie de hurler. Même si c'est "normal", on a envie de hurler. Parce qu'on a beau dire, il n'y a rien de normal à souffrir dans son corps, à perdre son indépendance et à être malheureux dans un corps qui abdique...
je vois tout à fait, pour également l'avoir vécu
j'ai vu mon grand-père à l'hopital, et se rendre compte que cette personne ne redeviendra jamais celle qu'elle a été, c'est vraiment impressionnant. On a soi-même l'impression d'être décalé, que le monde s'arrête un peu.
Je me souviens de mon grand-père, le père de mon père. C'est le seul que j'ai pu accompagner dans ses derniers jours. Je l'ai visité plusieurs fois; Sa santé a décliné en six mois, et les derniers jours il n'était plus qu'un corps, l'âme (sans aucune connotation religieuse) n'étant là que par intermittence. C'était triste à voir pour tous ceux qui l'avaient connu ne serait-ce que quelques mois plus tôt.
Et pourtant, j'en ai retiré une grande sérénité et une meilleure acceptation de la mort (si c'est possible, je lutte beaucoup contre la possibilité d'envisager même cette idée de fin). Il mourait, parce qu'il était au bout de son chemin et j'ai été heureuse de l'accompagner jusqu'à ses derniers jours. Parce que la vie avait fait son œuvre et que son corps n'en pouvait plus. Il était prêt. J'aimerais mourir comme lui, au milieu de gens que j'aime et qui m'aiment et qui m'accompagnent. Le plus tard possible bien évidemment.
C'est vrai que les sentiments qui nous envahissent dans ces moments là sont horribles, une envie de hurler tout en pleurant, d'y croire à la fois tout en se disant qu'il ne vaut mieux pas se faire des idées. Je pense aussi à ma grand-mère et ça me fait tellement peur que ça me hante tous les jours pour mes parents. C'est étrange la Vie et cette façon qu'elle a de disparaître de nos corps. Et je me demande si il reste quelque chose quelque part, autres que dans nos souvenirs, de ces personnes qui ont animés ces corps ?
Je t'embrasse ma belle (k)
Madeleine, malheureusement on a pas le choix de s'y résoudre ou pas, et même quand elle est prématurée, et bien pour survivre, il faut l'accepter, aussi difficile que ça soit... (k)
Véro, hélas si, c'est normal. C'est comme ça qu'on est programmés, on commence à dégénérer aussitôt qu'on a fini de se construire. Mais ça n'en est pas tolérable pour le coeur pour autant... bon courage avec tes parents. (k)
Alix, oui, l'arrêt du temps, il y a de ça en effet.
Akynou/racontars, je comprends très bien ce que tu veux dire. Parce que c'était ta manière pour cette personne, c'était la meilleure pour toi de toute façon !
Missy'V, je ne sais pas. Je ne crois pas qu'il reste grand chose hormis nos souvenirs. Et nos blogs bien sûr, quand ça sera notre tour :-P
Je t'embrasse aussi. (k)