Certes j'ai pu couper au voyage en Forêt Noire, mais j'ai malgré tout eu la chance, quelques années après mes exactions collégiennes, de goûter aux joies des échanges européens.

Mon lycée avait organisé une semaine "bienvenue à un lycée roumain" et cherchait des parents volontaires pour accueillir les bambins en question. Mes parents avaient répondu avec enthousiasme, et c'est ainsi que nous avons eu en pension une dénommée Alina St*escu pendant quelques jours.

Choc des cultures ! La Roumanie sortait depuis peu du régime Ceausescu et peinait à s'en remettre. Alina nous expliquait que dans son pays, les "intellectuels" étaient considérés comme des dangers pour la société, qu'il y faisait meilleur vivre si on était ouvrier.

Elle et ses copains tranchaient sur nos rangs de lycéens occidentaux : pas de fringues à la modes (pas de fringues neuves, en fait, même démodées), pas d'équipements indispensables du genre baladeur...

A la maison, elle était aussi discrète qu'une souris. Mes parents s'évertuaient à lui faire des petits plats auxquels elle touchait à peine, habitué à faire un repas frugal par jour, pas plus.

Je crois que les ados roumains étaient aussi effrayés de nous voir vivre dans un luxe indécent, même pour les moins nantis de nous, de parler haut et fort, de parler politique à voix haute et à visage découverts, que nous étions abasourdis de toucher du doigt une autre réalité que la notre... Ils étaient aussi émerveillés par leurs sorties dans Paris, de découvrir musées et monuments "en vrai", et leur enthousiasme donnait envie de porter un oeil neuf sur ce qui nous entourait.

Nous devions organiser l'année suivante un voyage en Roumanie pour leur rendre leur visite, le voyage ne s'est jamais fait. Sans doute parents et corps enseignants ont eu peur des conditions dans lesquelles il pourrait se passer.

Nous avons échangé quelques lettres avec Alina, puis le contact s'est distendu et perdu. Je me demande ce qu'elle est devenue, si elle a pu mener à bien son rêve de faire de la recherche, d'enseigner.

Quoi qu'il en soit, son séjour chez nous a apporté beaucoup et je l'en remercie à distance...