Nous avons pour quelques semaines une petite stagiaire encore très occupée par la vie scolaire.

Il se trouve qu'elle doit plancher pour bientôt sur le roman de Patrick Süskind, Le Parfum.

Ca tombe bien, L'Amoureux avait envie de le lire l'an dernier, je le lui ai donc acheté et l'ai relu récemment, j'avais un peu oublié depuis le collège.

Alors on commence à discuter, ce qu'elle a ressenti, aimé, pas aimé. Bien sûr elle démarre en disant qu'elle avait la sensation d'être entourée d'odeurs, les impressions "sensorielles" qu'elle a ressenties.

Je lui demande d'aller plus loin, elle me répond "Bah... je ne sais pas".

Alors je lui raconte ce que ce roman m'évoque.

L'animalité sous-jascente : les gens qui peuplent ce roman qui sont téléguidés par leurs sens, l'odorat en particulier, alors même que ce sens, nous "oublions" presque de nous en servir dans nos vies d'adultes. Ils sont transcendés ou avilis par leurs sens, il n'ont plus de libre-arbitre, ils ont des réactions de meutes, très animales.

La suprématie de celui qui sent encore plus que les autres, qui développe la capacité à manipuler par l'instinct.

La perte de ce dernier, qui se place "au dessus de la meute" mais qui, justement, en perd toute humanité.

Le constat : vivre en manipulant la meute n'a finalement que peu d'intérêt, la jouissance retirée ne dépasse pas la douleur de ne pas être humain (au sens philosophique), mettons. Le choix de mourir comme une proie, se livrer en pâture mais en ayant choisi le moment, après avoir retourné ceux qui voulaient le lyncher.

Très très moral au fond, le vilain méchant pas beau très très fort mais qui se suicide sur un mode transitif. Un parallèle qui me vient à l'esprit, Hitler dans son bunker, un peu, en encore plus trash. Et tiens, Süskind est allemand, né très peu de temps après la Seconde Guerre Mondiale, un rapport ? Oh que oui, entre le "dictateur" aux odeurs, de certaines personnes qui perdent leur capacité à raisonner en individus pour peu qu'ils soient subjugués par un personnage, une idéologie, un confort intellectuel à ne pas aller chercher très loin la cause de leurs maux...

L'odorat comme prétexte à exercice de style, comme allégorie des travers de la vie en société aussi.

Elle me regarde et rigole.

A quoi je rigole et lui explique que j'ai fait des études de Lettres options tarot et belote, et que ça explique bien des choses.

J'ai bien aimé cette atmosphère de déjeuner. Ca m'a rappelé des souvenirs du temps déjà lointain des chères études.