Vous ai-je dit que la personne qui m'a annoncé que c'était pour jeudi, mais on ne savait pas quand, c'était un grand blond aux yeux bleus avec un délicieux accent italien, qui a fait irruption dans ma chambre en me disant "bonjour, je suis le Dr Bôgoss, votre chirurgien" ?

Ca ne changeait rien à mon état, fondamentalement, mais c'était mieux qu'un vieux barbon qui pue du bec.

Plus qu'à attendre. Pour échapper à la litanie sans intérêt et péremptoire de ma voisine Berthe, je dors, ou fais semblant. Elle en profite pour passer ses coups de fils à voix très haute et avec haut parleur allumé, une purge, je vous dit. Et s'asperger de parfum façon désinfectant à chiottes.

Un peu après midi et demi, trois infirmières débarquent en me disant "vous passez au bloc dans un quart d'heure" et s'affairent autour de ma tension, de ma température, bref, le grand stress, pour elles comme pour moi.

Et me voilà repartie avec les brancardiers. Je déconne un peu avec eux, puis avec ceux du bloc.

L'anesthésiste arrive, me prépare, on rigole un peu aussi, puis le masque à oxygène, au bout de deux aspirations je me dis que ça ne marche pas du tout ce truc, et puis après, pouf, le noir.

On m'avait dit que je ne me souviendrais pas du premier réveil au bloc. C'est faux. J'ai le souvenir de m'être réveillée avec la sensation de ne pas respirer. A me demander ce qu'ils faisaient puisque j'étais en train de mourir sous leurs yeux. Et puis de basculer sur un brancard.

Salle de réveil, sonde dans le nez, nausées, beurk. Envie de dormir. Heureusement Dr Bôgoss passe vite, les infirmières venaient de m'annoncer que j'allais garder cette putain de sonde jusqu'au lendemain au moins, il me la fait enlever tout de suite au prétexte que ça ne sert à rien et que ça me gêne. C'est sympa, un toubib préoccupé du bien-être de ses patients.

Il m'explique aussi que l'opération était un tout petit peu plus compliquée que prévue, compte tenu du menhir qui se promenait en direction de mon pancréas et de la taille de ma vésicule, mais que je n'avais pas battu son record perso. Et qu'il a pu s'en tenir à 5 petits trous et pas à une ouverture en grand pour y voir plus clair. Que de bonnes nouvelles.

Pendant trois heures je lutte contre les nausées et les malaises. L'Amoureux qui a joué des coudes pour venir me rejoindre me dit des mots gentils, je peine à lui faire comprendre que je suis heureuse qu'il soit là, mais grave dans les choux.

Puis je remonte et je retrouve Berthe qui commence déjà à me saoûler de paroles. L'enfer, c'est les autres. Et les restes d'anesthésiants.

Vendredi, ça tire dur, mon reste de bronchite m'arrache des quintes de toux et je me tiens le ventre en me disant que tout va sauter. Mais ça va. Je me lève.

Maman est arrivée, et vient m'éponger le front à chaque vague nauséuse. On m'enlève ma perf, je mange - peu.

Dr Bôgoss m'annonce la sortie pour le lendemain.

Après les visites, les heures sont longues. Impossible de m'endormir la nuit, une gentille infirmière me donne un truc qui tarde à faire un effet court. Pas grave, je dormirai à la maison.

Et samedi, l'interne débordé nous fait lanterner, L'Amoureux et moi, jusqu'au début d'après-midi.

Retour maison (ouille les dos d'âne !). Je retrouve ma maison, un amoureux et une maman dedans, ma fille dort.

A son réveil, elle me gratifie du plus long câlin de notre histoire, je suis émue, au bord des larmes, de la retrouver.

Elle a compris très vite que je ne pouvais pas la porter et m'explique régulièrement quand elle a envie que je la prenne dans les bras que "a pas bras maman. Maman a malade. Maman a bobo son ventre". C'est à la fois adorable et ça fait un petit pincement. Mais ces jours seront vites passés, et je suis très consciente de la nécessité de m'écouter et de me reposer au maximum.

En ce moment, je passe du temps avec elle le matin (bib, Oggy, se raconter des trucs), puis elle part chez Mary Poppins en me lançant un "bonne journée maman ! A soir !" de grande fille qui m'émeut et me fait rire à parts égales.

Je vaque, je vague, je dors.

Et je la retrouve le soir pour des jeux le plus calmes possibles, juste un peu avant son papa aux journées bien chargées...

En tout cas je vais bien, de mieux en mieux chaque jour, et ravie que ces douleurs soient derrière moi. J'ai mangé plein de choses différentes qui passent bien, dont du chocolat, donc je suis très rassurée. Et j'ai un moral d'enfer, j'ai l'impression presque d'une nouvelle vie qui commence. C'est con.

Ce moral, je le dois à ceux dont je vous ai parlé ici, à moi aussi un peu (!), mais aussi à vos petits mots, ici, par sms, du coin de la rue et du bout du monde.

C'est une force incroyable que d'être bien entourée. Je savoure et j'apprécie. Merci.