Le billet de Samantdi fait écho, et me donne aussi envie de revenir, maintenant que doucement, ça s'apaise, sur l'un de mes jours d'après.

Un soir, mon portable sonne.

On me demande si je connais Mme Ma Grand-Mère Paternelle, quels sont mes liens de parenté avec elle. J'explique. On me demande s'il est possible de joindre mon père, que c'est urgent.

Comme c'était une période de grande paranoïa à propos de l'ancienne vie professionnelle de mon père, un instant, j'ai bloqué. J'étais déjà en train d'appeler papa depuis ma ligne fixe.

Les secours ont ceci de bien qu'ils savent faire plier n'importe quelle volonté, ils ont eu le numéro de papa que je n'était pas tout à fait prête à leur donner.

Valse de coups de fils qui ont suivi. Pour dire que ma grand-mère a eu une attaque, qu'on l'a retrouvée inconsciente. On ne sait pas "Qui" a prévenu. "Qui" avait passé la soirée avec elle et devait être assez marié pour ne pas vouloir apparaître devant les secours, mais assez attaché à elle (ou emmerdé) pour les appeler. Je ne sais d'ailleurs pas si "Qui" a prodigué quelques gestes de premiers secours ? Peut-être auraient-ils changé quelque chose, sans doute pas.

On sait les uns et les autres que ma grand-mère a été emmenée en urgence dans un état critique. On ne sait pas où.

Elle avait déjà eu quelques malaises les semaines précédentes sans que médecins et hôpitaux trouvent grand-chose à redire à son état d'irresponsable jeune fille de 83 ans.

Lendemain matin, peu dormi. Je fais la tournée des standards d'hôpitaux pour savoir si on y a admis ma grand-mère. Finis par la retrouver. Je crois que mes parents étaient déjà en route, ou sur le point de mettre le contact.

Je file là-bas avec L'Amoureux. Elle est dans le coma, pronostic très très incertain, grosse possibilité de lourdes séquelles si elle se réveille.

J'ai été la première à la voir, à tressaillir à ses nerfs qui l'animent encore si peu. A lui caresser la main, me doutant très fort que c'était la dernière fois. Souhaitant pour elle qu'elle n'ait pas à vivre diminuée. Chiante et en pleine forme ou pas. Personne qui l'ait connue ne peut envisager ma grand-mère diminuée, c'est, c'était, inimaginable.

L'impression que les médecins, même s'ils répondent à mes questions, me protègent.

Les parents arrivent, en apprennent encore probablement plus. Ma tante est dans l'avion. Nous sommes si peu nombreux. Déjà tant d'absents. Papa a dit aux médecins ce que nous ressentions tous : pas d'acharnement inutile. Avec des gros points de suspension.

Quelques jours après, un appel dans la voiture, dans laquelle nous étions pour rendre visite à mon autre grand-mère, je crois, ou à mon autre tante. Pas d'importance.

C'était fini. Game over. Plus jamais. Ni les bons moments, ni les mauvais. Juste des souvenirs.

C'était le 4 mars, il y a presque 5 ans maintenant.

Et je n'ai toujours pas complètement fini mon jour d'après, aucun de ceux pour qui il y a un "plus jamais" en contentieux entre la vie et moi, d'ailleurs.

Et des choses d'eux qui vivent en moi.

D'elle : m'arrêter d'écrire, les larmes qui coulent, pour aller consulter le Trésor de la Langue Française et vérifier que séquelle est bien un nom féminin, alors qu'on entend si souvent une faute qui l'aurait horripilée. Et sans doute, d'elle, en moi, aussi, cette chiantise, et cette incapacité de croire tout à fait au mot impossible.