L'UN DE MES JOURS D'APRES
Par Chiboum le jeudi 5 février 2009, 08:00 - All about Chiboum - Lien permanent
Le billet de Samantdi fait écho, et me donne aussi envie de revenir, maintenant que doucement, ça s'apaise, sur l'un de mes jours d'après.
Un soir, mon portable sonne.
On me demande si je connais Mme Ma Grand-Mère Paternelle, quels sont mes liens de parenté avec elle. J'explique. On me demande s'il est possible de joindre mon père, que c'est urgent.
Comme c'était une période de grande paranoïa à propos de l'ancienne vie professionnelle de mon père, un instant, j'ai bloqué. J'étais déjà en train d'appeler papa depuis ma ligne fixe.
Les secours ont ceci de bien qu'ils savent faire plier n'importe quelle volonté, ils ont eu le numéro de papa que je n'était pas tout à fait prête à leur donner.
Valse de coups de fils qui ont suivi. Pour dire que ma grand-mère a eu une attaque, qu'on l'a retrouvée inconsciente. On ne sait pas "Qui" a prévenu. "Qui" avait passé la soirée avec elle et devait être assez marié pour ne pas vouloir apparaître devant les secours, mais assez attaché à elle (ou emmerdé) pour les appeler. Je ne sais d'ailleurs pas si "Qui" a prodigué quelques gestes de premiers secours ? Peut-être auraient-ils changé quelque chose, sans doute pas.
On sait les uns et les autres que ma grand-mère a été emmenée en urgence dans un état critique. On ne sait pas où.
Elle avait déjà eu quelques malaises les semaines précédentes sans que médecins et hôpitaux trouvent grand-chose à redire à son état d'irresponsable jeune fille de 83 ans.
Lendemain matin, peu dormi. Je fais la tournée des standards d'hôpitaux pour savoir si on y a admis ma grand-mère. Finis par la retrouver. Je crois que mes parents étaient déjà en route, ou sur le point de mettre le contact.
Je file là-bas avec L'Amoureux. Elle est dans le coma, pronostic très très incertain, grosse possibilité de lourdes séquelles si elle se réveille.
J'ai été la première à la voir, à tressaillir à ses nerfs qui l'animent encore si peu. A lui caresser la main, me doutant très fort que c'était la dernière fois. Souhaitant pour elle qu'elle n'ait pas à vivre diminuée. Chiante et en pleine forme ou pas. Personne qui l'ait connue ne peut envisager ma grand-mère diminuée, c'est, c'était, inimaginable.
L'impression que les médecins, même s'ils répondent à mes questions, me protègent.
Les parents arrivent, en apprennent encore probablement plus. Ma tante est dans l'avion. Nous sommes si peu nombreux. Déjà tant d'absents. Papa a dit aux médecins ce que nous ressentions tous : pas d'acharnement inutile. Avec des gros points de suspension.
Quelques jours après, un appel dans la voiture, dans laquelle nous étions pour rendre visite à mon autre grand-mère, je crois, ou à mon autre tante. Pas d'importance.
C'était fini. Game over. Plus jamais. Ni les bons moments, ni les mauvais. Juste des souvenirs.
C'était le 4 mars, il y a presque 5 ans maintenant.
Et je n'ai toujours pas complètement fini mon jour d'après, aucun de ceux pour qui il y a un "plus jamais" en contentieux entre la vie et moi, d'ailleurs.
Et des choses d'eux qui vivent en moi.
D'elle : m'arrêter d'écrire, les larmes qui coulent, pour aller consulter le Trésor de la Langue Française et vérifier que séquelle est bien un nom féminin, alors qu'on entend si souvent une faute qui l'aurait horripilée. Et sans doute, d'elle, en moi, aussi, cette chiantise, et cette incapacité de croire tout à fait au mot impossible.
Commentaires
Comment dire ... Chez Samantdi, je n'ai pas pu et pas plus ici ! Elle a raison lorsqu'elle dit que les blogs sont souvent le fruit d'une cassure intérieure. La mienne était en 2005 lorsque mon père a voulu quitter ma mère ... Plus rien n'est comme avant avec eux deux pour des raisons différentes bien sûr et le pire pour moi est qu'il faut leur cacher ...
Je t'embrasse et à lundi maintenant.
Madeleine, j'ai appris la vertu du "bien pleurer". Ca fait du bien. Ca ne change rien, mais ça soulage.
Moi aussi je t'embrasse. Je suis en train de faire écouter Ya Rayah de chez toi à ma coullègue ^^
C'est un très beau témoignage, et je suis sûre qu'elle peut être fière de toi, de ce que tu es devenue, de ce que tu transmets d'elle... Bises ^^
J'ai la chance d'avoir eu cette même certitude de son vivant, Floh. Je ne sais pas si ses propres enfants peuvent en dire autant, alors c'est d'autant plus précieux.
Je t'embrasse, bien fort.
Heureusement, il y a aussi des jours d'après où tout a basculé, mais du bon côté (k)
Moi aussi je t'embrasse, ma chère Fauvette.
Oui swahili, heureusement, ça fonctionne dans les deux sens ! (k)
Penser à ceux qu'on aime, c'est ça qui repousse les limites du possible et de l'impossible...
Je me demande pourquoi les gens ont tendance à moins raconter le lendemain du jour d'après en mode "heureux". Quand je réfléchis à des moments de bonheur qui ont changé ma vie, (je pense à des réussites à un examen ou un concours), je me souviens d'un état particulier, de plénitude, mais rien de comparable à ces jours d'après liés à d'intenses bouleversements.
Il me semble cependant que la naissance d'un enfant doit être de cet ordre là, non ?
fdb, sans doute, au moins ça contribue beaucoup !
samantdi, sans doute parce qu'on considère que le bonheur est plus naturel que la douleur ? La naissance d'un enfant... voyons... le jour d'après j'étais exténuée, à bout de nerfs et de force. Je crois que le temps que je récupère, je n'ai pu commencer à savourer ce jour d'après que pas loin d'un mois après ! Avant ça se faisait en sous-terrain, mais je n'arrivais même pas à me le formuler à moi-même.
En revanche, depuis, c'est presque tout le temps un jour d'après heureux, car c'est nouveau tous les jours, ou bien il y a du nouveau tous les jours.
Mais je les raconte aussi ici bien plus souvent que les jours d'après malheureux, comme quoi !
(Ca te fait du grain à moudre ? J'ai essayé, hein !)
@Samantdi, quand je pensais aux moments de bonheur, je pensais, bien-sûr, aux naissances, même si comme le dit Anne, c'est plutôt du long terme, mais je pensais surtout à des rencontres, amoureuses ou amicales...
swahili, héhé, toi, tu as des jours d'après premiers baisers à raconter ! Un blog, un blog !
J'ai également le sentiment que le jor d'après est le facteur déclenchant de quelque chose de mieux qui arrive après. Que "le jour" en soit est toujours pénibles mais qu'il a aidé à muter, changer, réfléchir, "se poser les bonnes question (pour autant que l'on sache quelles sont les "bonnes question" c'est une autre pair de manche !)