Je viens de commencer "Le lièvre de Patagonie", mémoires de Claude Lanzmann, notoirement connu pour son documentaire "Shoah".

J'avais envie de le lire depuis un moment et c'est l'enthousiasme de Nicolas Demorand qui a fini de me convaincre il y a quelques jours.

Je commence juste, j'en suis donc à son récit de jeune résistant, très jeune, même, puisqu'il était encore lycéen quand il a pris le maquis.

Là, une suite de noms m'interpellent. Ruynes, Bort les Orgues, Saint Flour, le Mont Mouchet... L'Auvergne dans laquelle mon grand-père, lui aussi, était un jeune résistant.

En dehors d'un style qui m'accroche et d'une vie passionnante, dès le début, Lanzmann me fait donc écho familial.

Et je pense à tous ces très jeunes qui ont pris, un matin (ou une nuit), la décision de vivre la guerre dans une clandestinité armée, qui ont risqué leur vie toutes les heures de tous les jours pendant des semaines, des mois, des années, au nom d'un refus de l'horreur.

Que ces jeunes esprits étaient animés d'une flamme, d'une conviction profonde. De loin dans le temps, je les remercie. Même si le monde dans lequel nous vivons n'a rien de très palpitant, à cette époque là, ils nous ont évité le pire. Ils nous ont fait le don de leur courage, de leurs espoirs, de leurs idéaux, de leur révolte.

Au nom de l'humain.

Mon grand-père a, je crois, abondamment instruit ses enfants de ses récits de guerre. J'en connais des bribes, je sais notamment que des objets qui lui ont appartenu, à lui et à ses camarades, sont exposés dans le petit musée du Mont Mouchet.

Mais il est mort trop tôt pour me la raconter, et je regrette qu'en une génération, toutes ces bribes d'histoires se soient un peu perdues. Il faudra que je demande à papa de se faire l'écho, à son tour, de ces récits, si ça ne lui est pas trop douloureux.

En attendant je suis Claude Lanzmann dans cette Auvergne qui m'est chère et j'imagine, un peu, par ses yeux, la vie de mon tout jeune grand-père, tout près, presque aussi jeune.

(Sur la deuxième guerre mondiale, mais dans un registre moins lourd, bien que tout aussi grave, j'ai lu ce week-end "Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates", l'histoire, traitée sous forme épistolaire, de quelques personnes qui ont trompé l'enfer de la guerre sur l'île de Guernesay. C'est à la fois délicieux et poignant, j'ai adoré).