Une maman dans les nuages
Par Sacrip'Anne le lundi 10 mai 2010, 07:00 - La nursery de Cro-Mignon(ne) - Lien permanent
Il y a quelques jours, au milieu d'autres informations échangées pendant le dîner, Cro-Mignonne prend un ton solennel.
"La maman de N. est partie dans les nuages".
N. est l'une des animatrices du centre de loisirs.
N'étant pas complétement sûre de ce que nous raconte ma fille, j'enquête. Pour un voyage ? Pour très longtemps ? Pour toujours.
Pour toujours, donc.
Je me lance alors. N. doit être très triste ?
Non, me répond ma fille, parce qu'elle va revenir dans très très très longtemps.
Puis elle tourne son regard vers la fenêtre et me dit, un peu inquiète : "Tu sais, je ne vois aucune maman dans les nuages". Avant d'enchaîner, rassurée par son propre raisonnement : "Elle a du aller plus loin, là où il y a la lune et les étoiles.
Je tâte alors le terrain. "Crois-tu que ça soit pour de vrai, ou alors une façon de parler ?"
"Pour de vrai, maman".
"Est-ce que tu as des questions à me poser là-dessus, chérie ?"
"Non maman". Et elle attaque son dessert.
Je fais de mon mieux pour retenir les larmes qui s'annoncent.
Les questions seront pour plus tard. Quand elle aura besoin des réponses. Mais l'âge de l'insouciance totale est en train de prendre fin, doucement, pour s'approcher des réalités dont certaines font si mal.
Commentaires
Étrange d'être confrontée à cette question de cette façon là. Mais on ne choisit pas, n'est ce pas. J'ignore totalement comment j'aurai réagi à ta place
A vrai dire, Luce, heureuse qu'elle est que la première fois où elle y est confrontée, ça ne la touche pas de trop près... En revanche, je réagis mal au fait que, pour expliquer à des enfants, on plaque des croyances (parce que les nuages, le ciel, tout ça, quoi...).
Après, j'ai retenu des propos d'Akynou : ils nous posent les questions auxquels ils sont prêts à avoir des réponses, pas la peine de sortir le laïus complet quand on sent qu'ils ne sont pas encore prêts à l'entendre... et visiblement ça n'est pas encore le moment (et d'une certaine façon, tant mieux. Pour elle).
Mmh, mais au contraire, moi je trouve ça joli, l'idée "d'aller dans les nuages". Les enfants (du moins je l'ai vu avec Miss Blondinette) ont besoin d'avoir un "lieu" géographique.Je n'ai guère l'impression qu'on plaque des croyances dessus en parlant de nuages, si? Ca peut rester assez neutre...
Miss Blondinette a, du côté de sa maman, le laïus "paradis et Dieu". Du nôtre, l'incertitude que nous avons, notre ignorance ,et la tentative d'expliquer que nous ne savons pas "où ils vont" mais que par contre ils restent "dans nos coeurs et nos pensées".
Néanmoins, je suis frappée comme le thème de la mort arrive "vite" chez les enfants...Et peut-être qu'après tout, c'est nous qui compliquons tout cela :)
Bises :kiss
Pour moi, dans les nuages, c'est une compréhension poétique de "au ciel". Or, je ne sais justement pas si plaquer un lieu géographique est une bonne idée pour faire comprendre la permanence de l'absence, Floh. Mais bon. Comme tu dis, ça arrive tôt...
Ça m'angoisse un peu parfois, quand je pense que je vais devoir faire comprendre à mon fils pourquoi il a une grand-mère bien présente et une autre dont on ne fait que lui parler au passé, mais j'imagine qu'on se débrouillera... Cela dit, il me semble avoir lu quelque part (Laurence Pernoud peut-être ?) que le côté "permanent" de la mort ne pouvait pas vraiment être compris par les enfants en-dessous d'un certain âge (je crois 7 ans, mais je n'en suis plus sûre).
"au paradis", "dans les nuages", "dans nos coeurs", tout est là. Ils faut qu'ils soient quelque part et en sécurité. Sinon c'est l'angoisse et c'est difficile de vivre pour ceux qui restent. Qu'on soit petit ou grand. L'expression "perdre quelqu'un" met plutôt bien l'accent sur le fond du problème.
Il n'empêche que je serais curieuse de savoir comment le sujet de la mort de cette dame est arrivé sur le tapis du centre de loisirs...
Ben, j'imagine que N. était triste et qu'un enfant lui a demandé pourquoi. Pas la peine de mentir dans ces cas-là, si ?
Oui, je me disais juste que souvent la première confrontation c'est pour la perte de son poisson rouge ;-).
Étrange aussi pour moi cette allégorie des nuages, du ciel ect ... C'est pour cela que je ne sais pas ce que je lui en dirais si elle me posait la question. L'autre jour elle me demandait qui avait peint une des peintures afficher sur nos murs; Je lui répond "Vincent Van Gogh" elle me dit "on va le voir ?" je lui dit " non on ne peut pas il est mort il y a très longtemps". Elle m'a dit "ah oui" comme elle fait souvent quand elle apprend quelque chose et ne m' a rien demandé de plus.
Anna, oui, sans doute, il faut s'y prendre en douceur, même au moment du "cap" de compréhension. Et ça doit être exactement comme ça que ça s'est passé, comme tu l'as imaginé en réponse à Luce, d'après ce que j'ai compris.
heidi, c'est pareil pour nous, d'une certaine manière. Nous, les grands, j'entends !
Luce, Cro-Mi réagit un peu comme ça aussi ;)
De toute façon nous somme tousses des poussières d’étoile !
Anna répondait plutôt à Heidi je pense non ?
Julio, suis bien d'accord, mais je crois qu'elle est un peu petite pour que ça lui parle !
Luce, toutafé ! Voilà ce que c'est de se glisser furtivement pour tenter de répondre aux comms très vite avant que le grand admin se réveille !
J'admire ta présence d'esprit et d'avoir su te placer à la bonne longueur, sans imposer un trop tôt mais en proposant une sorte de Quand tu voudras.
J'ai un peu honte : aucun souvenir précis d'avoir parlé de la mort avec mes enfants. Les deux pourtant ont eu leur âge "pourquoi ?". J'ai un peu l'impression que comme pour ce qui est de l'éducation sexuelle ils se sont débrouillés un beau jour pour par une remarque subtile ou une question d'une précision diabolique (limite un peu genre : au fait maman, c'est à quel degré l'incinération ?) me faire comprendre qu'ils étaient des grands qui savaient.
Je suis reconnaissante à mes propres parents de ne m'avoir jamais raconté de bobards. Pour ça, ils étaient bien.
Je n'en suis pas très fière, mais j'avoue avoir complètement zappé comment on a abordé ce sujet avec mes filles.
J'aime beaucoup la façon dont tu en as parlé avec elle, en lui laissant la porte ouverte sans rien lui imposer...
je pense aussi qu'il ne faut pas angoisser avec les grands problèmes de la vie. Peut importe ce que dit le maître, on ne comprend que ce que l'on est prêt à comprendre.
j'aurais aimé protéger mes enfants contre toutes les difficultés, mais la vie se charge de donner les baffes et ils doivent faire face, et à chaque age ses responsabilités.
C'est vrai qu'il arrive des malheurs si grands que certains ne peuvent y faire face. Contrairement à ce qu'on peut penser il est souvent plus désastreux pour le parent de perdre un enfant que pour l'enfant de perdre un parent.
La vie est faite de grands malheurs et de grands bonheurs, et on ne peut rien y changer.
Je n'avais pas vu le com de Gilda, qui a exprimé, en mieux, la même chose que moi (j'ai pas copié, mdame ;-) )
gilda, ça fait partie des choses que j'ai retenues de propos de femmes qui ont été mamans avant moi (Akynou, entre autres), ça m'avait paru très vrai en théorie, encore plus en pratique.
A vrai dire, comme pour swahili, je suppose que si on en garde par le souvenir, c'est sans doute parce que ça s'est fait de façon fluide et naturelle !
Je ne garde pas souvenir de ce genre de conversations dans mon enfance non plus, ce qui tend à donner raison à Moukmouk, sans doute que c'est quelque chose qu'on intègre comme "naturel bien que triste".
Les miens ont été très tôt confrontés à la mort. Je n'ai eu aucune difficulté à aborder tous ces sujets, cela fait partie de la vie. JP a bien plus de mal, c'est donc naturellement que les enfants se sont toujours tournés vers moi pour poser ces questions. Je pense que ta fille a parfaitement compris, à sa manière, et tu as très bien réagis. Il est inutile de vouloir trop dire, parce que les enfants de toute façon n'entendent que ce qu'ils ont envie d'entendre.
Un beau billet !
Je trouve ça positif, elle envoie des signaux à sa façon, elle grandit.
C'est bien. Nos filles ont fait ça et on a fait comme toi !
Eh bien je suis en retard sans doute pour raconter ma désolation à l'annonce du décés de Christina, mère des enfants de Mr Cantat. Parce que C'était quelqu''un de magnifique et je suis si triste pour tous ceux qui ont eu la chance et le désespoir de la connaitre.
J'aime tant mes amis qu'ils aient la chance de lui ressembler où la malchance d'être different, mais qui peut se donner le droit de juger ses choix ?
Je suis juste très triste de perdre son humour et son sourire ....
Si désolée
Valérie, j'ai comme dans l'idée, vu la façon dont on est faits, que pour les grandes questions "Life, universe and everything", je vais être aussi la référence !! Merci !
K, merci aussi. Oui, je trouve très instructive sa façon de nous informer de l'état d'avancement de ses pensées !!
Buchy, je me demande, précisément, comment ses enfants ont pu "survivre" à son décès, dans l'absolu et compte-tenu de leur histoire...
Le concept de la mort, le fait que ce soit définitif, est trop abstrait à appréhender pour des enfants de cet âge. Ils vivent dans l'instant, et ne se projettent pas encore Quand ils le font, c'est en général dans un domaine fantasmatique éloigné de toute réalité. Alors l'idée d'un lieu très loin hors d'atteinte d'où l'on ne revient pas si l'on peut éviter d'y mêler des bondieuseries, pourquoi pas...
Vouloir les protéger de la mort en éludant le problème n'a aucun sens, il peuvent y être confrontés demain (la preuve...). Notre société occidentale qui veut gommer la mort et toutes les fonctions sociales qui y sont attachées est totalement à côté de la plaque. On n'y échappera pas, autant s'y et les y préparer le plus tôt possible, sans dramatiser. Notre mort, celle de ceux que nous aimons, on doit tous emprunter un jour ce chemin. C'est juste notre condition.
Comme Valérie, je trouve que tu t'en es vachement bien sortie, tu laisses la porte ouverte pour plus tard, sans lui avoir implanté dans la tête de préjugés.
Eric, on fait ce qu'on pneu, comme dirait l'autre. Je dois dire qu'avoir cotoyé assez tôt l'idée (mais bien plus tard qu'à l'âge qu'elle a maintenant), j'en ai bavé, mais j'ai aussi intégré l'idée que ça fait partie de la vie, inéluctablement.
Ce qui me chiffonne vraiment, mais de toute façon je ne peux pas faire grand chose contre, c'est qu'au prétexte d'expliquer les choses à des petits "comme ils peuvent le comprendre", on leur raconte des choses très biaisées. M'enfin. On verra quand il sera temps !
(Dis donc, qu'est-ce que tu faisais coincé dans mon antispam, avec tes deux derniers commentaires, toi ??!!)
@ Anne : Je sais pas moi... Madame, j'vous jure, j'ai jamais parlé de V1@gr@, joué au c@s1no, ni voulu faire @gr@ndir mon sekse... J'ai cru que tu modérais, sans bien comprendre pourquoi, et quand j'ai vu d'autre commentaires apparaître j'ai compris que j'étais dans la trappe. Mais je savais qu'une belle dame viendrait m'en délivrer ;-)
Belle, tu t'avances ! Mais oui, et encore à l'instant, Eric. Mais que fait la police de l'IP