Un maillon
Par Sacrip'Anne le mardi 11 mai 2010, 07:00 - All about Chiboum - Lien permanent
Quand j'étais petite, ma grand-mère, la maman de mon papa, a essayé de m'initier à des choses essentielles dans la vie d'une femme. La cuisine, la couture.
Elle a réussi plus pour la première que pour la seconde.
Je me souviens de longs moments à essayer de faire glisser le nœud sur le fil pour qu'il soit le plus près possible de son extrémité. En vain. Et de ma grand-mère qui ne comprenait pas que je trouve ça si difficile.
C'est très loin, il me semble que ça remonte aux souvenirs de la maison dans l'Yonne, je devais être à peine plus vieille que ma fille.
Il y a quelques jours, je devais faire quelques points, et comme si ce geste m'avait été familier toute ma vie le nœud vient se placer tout au bout du fil. J'ai ri. Me suis sentie victorieuse. Ai pensé que si ma grand-mère avait été encore là, je l'aurais appelée pour qu'elle rit de mon triomphe.
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Depuis quelques semaines, Cro-Mi a retrouvé son bel appétit. Elle avait d'autres choses à faire ces derniers temps que de manger avec l'appétit qui la caractérisait petite.
Et plusieurs fois, je me suis surprise à lui dire ce que me disaient mes grands-parents, petite. "Si tu n'aimes pas ça, on te donnera autre chose !!' (Ce qui était d'ailleurs littéralement faux !). Evidemment, elle répond, comme j'ai dû le faire, que non, du tout, elle adore.
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Ces derniers temps je me sens particulièrement maillon de la chaîne. Passeuse de petits riens qui font l'identité d'une famille.
Et même si parfois le souvenir est teinté de tristesse, celle liée à l'absence, il me dit qui je suis, pour moi, pour ceux qui me sont proches. Il me dit des choses que j'aime, le souvenir.
Commentaires
J'ai toujours pensé que ces petits riens transmis font que les absents ne le sont pas tant que ça et que c'est par ces choses là qu'ils demeurent avec nous ou autour de nous.
Je suis plus adepte de ce point de vue que du dans les nuages que tu évoquais hier. Mais c'est sûr qu'à expliquer à un môme de 3 ans, c'est pas gagné...
sLeAbO, moi non plus, je n'étais pas convaincue du "dans les nuages", mais bon. Il sera toujours temps de faire de la philosophie des religions un peu plus tard.
Les absents restent absents, mais ils perdurent en nous, le quelque chose qui reste dans nos sens et qu'on prend plaisir à transmettre. Je l'ai ressenti très fort depuis la naissance de Cro-Mi, et à vrai dire, particulièrement en ce moment, depuis son entrée à l'école !
Moi aussi je suis très sensible à ces "petits riens" transmis, l'air de rien justement, et presque malgré nous. Sauf qu'en ce qui me concerne, je relève également les "petits riens" négatifs, résistants, qui se glissent là, et qu'il paraît si difficile pourtant de changer..Preuve du chemin à parcourir ;)
Je suis une résistante absolue à la couture!! Moi j'ai eu beau faire, je ne sais toujours pas faire un noeud au bout du fil, je trouve ça horriblement dur! Je mets 30 minutes pour recoudre un bouton, et rien ne met plus en colère que la couture! Dès que je touche une aiguille, ça me fiche en rogne, c'est fou! Et pourtant j'adorerais faire mes habits, des ourlets, recoudre et créer...Joie du paradoxe!
Bises :-)
Et c'est rigolo, et touchant, de voir, quand les enfants grandissent et commencent à voler de leurs propres ailes, de voir ce qu'ils ont picoré chez chacun de leurs parents, grands-parents, en l'adaptant à leur propre sauce...
Et oui, les nuages, ça doit être ça.
Ton texte est touchant. Je n'ai pas d'attachement à mon enfance de ce type. J'ai écrit le mot fin quelque part et c'est ce qui m'a permis de donner la vie. J'ai de fait la sensation d'un commencement, d'un début d'une histoire. Paradoxalement, je suis une obsédée de la transmission, de la mémoire et l'écriture fait partie de cette obsession. Je me dis souvent, un jour elle lira tout ça ...
Passer le témoin. Continuer à faire vivre ceux qui nous ont quittés dans la mémoire d'un geste, et le transmettre à son tour avant de s'en aller. Tout le sens de la vie.
Pareil avec ma propre grand mère qui est maintenant âgée de bientôt 95 ans et que j'ai la chance d'avoir encore, qui m'a aussi initié à la la couture et à la cuisine : je n'ai besoin de personne pour faire un ourlet à un pantalon. En Harley Davidson non plus ;-) Bon la mienne c'est une Ducati, on va pas chipoter.
Floh, je suis sûre que je lui transmets de choses moins poétiques aussi, tu sais. Mais au fond, je trouve qu'en avançant, on se réconcilie un peu avec les "mauvais traits familiaux", et puis aussi qu'on prend garde à ceux qui nous ont fait souffrir... de toute façon, j'ai rayé l'idée du parent parfait depuis longtemps, assumons !! Bises itou !
Oui, swahili, j'imagine ! On verra ça dans quelques années !
Pablo, les nuages, les arcs en ciel, tout ça !
Luce, je crois que, histoire familiale ou pas, on transmet ce qui nous tient à coeur, et qui ne vient pas nécessairement des nos parents ou grands-parents, juste de ceux qui nous ont élevés pas au sens familial mais au sens métaphorique. Bien sûr que tu transmets !
Je suis émue par ce texte : je suis aussi très sensible à cette transmission qui maintient le lien avec celles et ceux qui ne sont plus près de nous.
A les grands parents, moi ma grand mère la mère de ma maman quand nous somme venu vivre en France elle est venus vivre avec nous. Une femme incroyable elle imposer le respect a touts le mondes dans la cité de l’usine a Foussemagne .je pourrait écrire des pages et des pages sur ma grand mère tellement je l’aimais.une paysanne de la montagne avec un courage et une volonté incroyable !
Charlottine, alors tant mieux si ma propre émotion était contagieuse, c'est de la bonne !!
julio, écris, écris. C'est important de raconter ce qu'on sait et ce qu'on aime de nos aïeux. C'est une mémoire qui se perd très vite...
Eric, désolée d'avoir tant tardé à te décoincer de l'antispam, déjà.
Ce qui me fait vraiment rire dans l'histoire c'est qu'aussi nulle que je sois en couture (je m'en tiens à l'ourlet, aux boutons), c'est encore moi qui détiens le plus de savoir à la maison ! Heureusement que pour la cuisine, la transmission du plaisir s'est faite de concert avec la technique (enfin, les bases), parce que si ça cuisinait comme ça coud, à la maison, on serait morts de faim !!!
Chouette pour toi que ta grand-mère soit toujours la. La seule résistante de cette génération qui me reste, c'est celle avec laquelle je m'entends le moins, et c'est un euphémisme.
Ha la la, que c'est beau ces souvenirs, ce présent aussi qui prépare l'avenir, ça m'évoque un peu les mêmes choses notamment le "si tu n'aimes pas ça...", profitez-en de tous ces beaux moments.
Gros bisous
Oh oui, on savoure, Dom ! Bisous aussi !