Suite et fin de la galerie de portraits de salon.

Il y a des gens, comme ça, que vous rencontrez une fois et qui ne vous lâchent plus, pour le meilleur et pour le pire. J'ai ainsi quelques amoureux sur les salons.

Mon pique-assiette.

C'est un singulier trompeur, car ils sont une dizaine, en fait. Hors d'âge. A tel point qu'aucune entreprise ne se souvient les avoir employés un jour, ils ont l'âge approximatif de Ramsès II. Signe particulier, arpenter les allées et ramasser tout ce qui est possible d'avoir gratuitement. Chez les collègues, c'est facile, il y a souvent des choses en libre service.

Comme nous n'avons pas de produit "physique", ils se rattrapent et cherchent à se faire inviter à toute bonne occasion de manger ou boire gratuitement. Ca passe souvent par une sérénade (Ô Mademoiselle, quels beaux yeux vous avez, blablabla. Généralement en fixant un peu plus bas que mes yeux, d'ailleurs).

Ceci dit, avec mon boss, nous avons mené sur les 24 derniers mois une sorte de chasse terroriste aux pique-assiettes et nous avons constaté que s'ils étaient présents sur le salon, ils évitaient soigneusement notre stand. On fait peur, que voulez-vous. A moins qu'à cause de la cataracte, ils n'aient pas réussi à nous trouver ?

Mon homme chocolat.

Il est sphérique, jovial, manie l'humour désespéré de celui qui sait qu'à part la couleur, il n'a rien de Harry Roselmack, pas très finaud, un peu lourdaud.

Mais il vend des chocolats et n'est pas pingre en échantillons. Je le présente à qui veut.

Mon teuton.

Je le garde pour la fin car c'est mon préféré (pour de vrai). Un ancien client de chez nous qui ne désespère pas revenir, un homme de valeurs, de douce obstination dans ses combats. Il parle un joli français bien que très teinté d'accent germanique (pas comme dans les caricatures dans les films sur la seconde guerre mondiale, quand même). Il a le cheveu blond, l'oeil bleu, et la rigueur qu'on prête volontiers à ses compatriotes.

Ca fait cinq ans qu'il nous raconte que pour finir son rêve français, il ne lui reste plus qu'à trouver une petite femme et fonder une famille. Le problème c'est que d'après ce que dit mon entourage professionnel, c'est moi qu'il veut épouser (il est prêt à choyer ma fille par la même occasion, semble-t-il, il en demande en tout cas copieusement des nouvelles tous les six mois).

A vrai dire, il serait sans doute charmant s'il ne donnait pas l'impression qu'il plie ses chaussettes au carré et actionne son métronome avant chaque chevauchée pas forcément fantastique. Ou alors je ne suis pas sensible au charme teuton.

Comme vous le voyez, pas besoin de vous soucier de mon futur amoureux, qui non seulement semble assuré, mais en plus m'offre un choix certain.

Vive la vie, moi j'dis !