Quand j'étais bébé, je ne mangeais presque rien. A la grande inquiétude de mes parents, de maman en particulier, je suppose.

J'étais une petite fille mince.

Puis la puberté tôt venue, les rondeurs qu'aujourd'hui je trouverais jolies, mais qui encombrent et dont on ne sait que faire. Surtout quand on est la plus jeune de sa classe, mais pas la moins "avancée" dans le domaine de la féminité qui vient.

Puis manger trop, bouger pas assez... une année de maîtrise passablement compliquée... et tout ça.

Bref, sitôt que j'ai eu l'âge de m'en soucier, j'ai été mal à l'aise avec mon corps, j'ai plutôt fait sans ou contre qu'avec.

Pourtant à revoir les photos... qu'on est bête, quand on est ado !

Cro-Mignonne est passée. Et je me souviens précisément du moment où j'ai fait le deuil de la perfection que j'aurais espérée. Déjà parce que morphologiquement, je n'aurais pas pu entrer dans le moule que j'enviais. Pas la bonne construction, pas la bonne peau, tout ça. Et puis parce que même pour les plus "chanceuses" qui retrouvent leur ligne et pas une vergéture, le passage d'un enfant ça laisse une empreinte pour la vie.

Mais le chemin s'est fait.

Aujourd'hui, je suis très loin de ce qu'on décrit comme le "beau". Et je n'ai jamais été aussi en paix avec moi.

Ah oui, certes, j'aurais des kilos en moins et des sous en plus, peut-être que j'en jouerai plus, de ce corps, mais je ne suis plus fâchée contre lui, je ne lui en veux plus des trahisons ou de ce que je vivais comme telles qu'il m'a fait subir.

Parce que tout ce qu'est mon corps, c'est moi.

Alors je le regarde (ce qui est déjà un bon début). Sans haine. Sans mépris. Je vois les cicatrices, les traces de grossesses, les trop pleins. Et je me dis que ce corps ne raconte qu'une histoire : la mienne.

Pourquoi je serais fière de qui je suis de l'intérieur alors que ce sont les mêmes histoires qui l'ont construit ?

J'apprends l'indulgence.

Peut-être qu'il y aura du trac, quand il faudra reparler de nudité amoureuse. Sans doute. C'est même sûr. Mais en même temps, rares sont ceux qui ne l'éprouvent pas, ce trac.

Et puis il changera, encore. Il vieillira, encore. Inéluctablement. Et il racontera la suite de mon histoire.

Alors à défaut de l'aimer vraiment, j'espère que je vais continuer à le prendre pour ce qu'il est : le témoin de mon chemin en vie. Et celui qui me permet de marcher, de courir (quand je suis obligée seulement), de sentir mon cœur battre, de serrer dans mes bras, de m'enfouir dans d'autres.

Fin du désa-corps entre lui et moi. Nous sommes un. Je suis une.