MEMOIRE
Par Chiboum le mardi 25 janvier 2005, 08:41 - Si on refaisait le monde ? - Lien permanent
On va sans doute lire beaucoup sur les 60 ans de la libération des camps, et pourvu qu'il n'y ait pas d'énormité, c'est tant mieux.
Malheureusement ça part mal.
Lu il y a quelques jours dans Libé (oui, je sais, je cherche !) une petite phrase du style : tous ces documentaires sont fabuleux, c'est dommage, ils ne seront pas vus par ceux qui en ont besoin, les jeunes. Parce que les jeunes, ça les ennuie. (je la fais à gros traits, mais je vous jure que c'était l'esprit).
Alors d'une, je m'interroge : pourquoi seuls les jeunes en auraient besoin ?? Il me semble qu'il y a quelques vieux cons dont le discours tend à diminuer l'importance de ce qui s'est passé dans ces camps à qui ça ne ferait pas de mal. Et dans l'absolu, je pense que ça ne fait de mal à personne.
Et de deux, je m'interroge (bis) : de mon temps, c'est-à-dire il y a une petite quinzaine d'années, au lycée, les professeurs faisaient visionner Nuit et Brouillard à tous leurs élèves. Dans mon lycée et dans d'autres. Donc sans parler du rôle pédagogue des parents, qui peut ne pas avoir complètement disparu, quelle est la raison qui fait supposer que ce type de travail avec les élèves aurait complètement disparu, comme ça ?
Je m'arrête sur ce sujet car il est d'actualité, mais il va de soi que les génocide des indiens d'Amérique ou au Rwanda, par exemple partent de la même réflexion (...il se reconnaîtra...).
J'en parle également parce que j'ai fait mon mémoire de maîtrise sur les récits de déportation. Notamment ceux de Primo Levi, Elie Wiesel, Jorge Semprun, Robert Antelme... A l'époque, outre l'horreur absolue de ces camps et de ce processus d'extermination, quelque chose d'extrêmement positif m'avait frappé. L'extraordinaire instinct de survie et d'envie de vivre qui animait les survivants. Leur désir de faire partager leur histoire pour dire "plus jamais", par écrit, par oral ou les deux. Or ils sont de moins en moins nombreux à être encore en vie pour nous parler de leur histoire.
Il est effectivement urgent de prendre leur relais.
Il est primordial de ne pas céder à la facilité en disant "les jeunes s'en foutent". Et pas seulement pour le pied de chez nous. Pour les gens du bout du monde aussi.
Aujourd'hui, c'est vraiment difficile de dire "je ne savais pas" sans mentir.
EDIT : voici le lien vers l'article en question.
Commentaires
C'est vrai il ne faut pas se focaliser sur un seul génocide, mais des autres nos "politiques" s'en moquent car géographiquement ou historiquement lointains (Rwanda, Cathares, etc...). L'histoire se répète.
ça fait toujours parti du programme scolaire en histoire, non ?
En tout cas, à mon époque, on visionnait régulièrement des cassettes car le prof estimait que les images étaient plus parlantes pour les jeunes. C'était à mon image une bonne méthode pédagogique car certaines images résonnent toujours en moi...
Je te confirme que le sujet est encore et toujours abordé dans les collèges et les lycées, que les travaux que les élèves réalisent (expo, dossiers etc) sont pointus bien documentés et passionnants,que les jeunes ne s'en désinteressent absolument pas car il montre jusqu'où l'intolérance et l'injustice peuvent mener, deux sujets auquels ils sont très sensibles.
Il faudrait peut être arrêter un peu de diaboliser les mômes. La proportion d'andouilles chez les jeunes est égale à celle qu'on trouve chez les adultes. La connerie n'est pas le privilège de l'âge.
Mais comme pour n'importe quel autre sujet, le sentiment de matracage médiatique peut avoir un effet inverse, porter au "ras le bol", à l'impression de trop plein.
Jeunes et vieux... Tout le monde est concerné..
Tout atteinte à la dignité humaine, tous massacres quel qu'il soit, tout génocide.. ne devrait jamais être oublié..
Pour que jamais cela ne recommence...
Et pourtant... ca continue.. encore et encore..
MAis comme c'est plus loin de chez nous..
:-(
OZ
Cocorom : oui, elle se répète, et c'est bien malheureux que nous les "adultes" ne soyions pas capable de retenir les leçons que nous souhaitons inculquer aux autres.
L'Amoureux : tu m'étonnes que ça hante...
Heïdi : merci, tu me rassures. Et me confirme également dans l'idée que Libé, plus ça va, moins ça va... Ce qu'on ne va pas chercher comme conneries pour vendre de l'espace pub et du papier...
Oz : De toute façon, tout est toujours trop loin, trop long, dès qu'il s'agit de sortir un peu de son confort... des gens qui se mobilisent VRAIMENT, il y en a tellement peu...
Y a pas mal de vieux cons qui en ont plus besoin il me semble...
Je confirme qu'on en parle encore et toujours, même dans mon petit pays gaulois et que les jeunes en sont fort touchés d'ailleurs, auraient-ils plus de 'neurones' et de sensibilité que certains gros sales porcs ?... oups, pardon, c'est sorti tout seul ;-)
C'est à cause de Pamela Anderson qui squatte ton corps, ça Missy'V ;-)
Ceci dit j'adhère.
Je sais que les élèves étudient cela en classe de 3ème, et en sont très émus... Mais il n'en reste pas moins que de nombreux jeunes ont un mal fou avec la chronologie ("euh... c'était pendant la guerre de 14 qu'il y avait Hiltler?") car l'histoire n'est pas enseignée dans une perspective chronologique, ce qui, à mon humble avis, n'aide pas à une compréhension globale des faits. Vu qu'il y a quand même un enchaînement...des causes et des conséquences...
De plus, il y a le devoir de mémoire de la Shoah, mais à mon avis, il est aussi important de pouvoir faire le lien avec ce qui se passe maintenant.
J'ai incité mes élèves à regarder les programmes à la télévision, ils étaient déjà bien au courant, et, me semble-t-il, désireux de se renseigner davantage...
Ceci dit, je suis entièrement d'accord avec Heidi : il y a la même proportion de cons chez les adultes que chez les jeunes!
:-)
Je pense(avis perso hein) que le problème n'en est pas à la connaissance des faits, qui eux sont enseignés, mais aux leçons tirées de cette connaissance des faits.
Il y en a qui n'en tirent aucune leçons, ils restent une minorité mais bizarrement cette minorité possède souvent des pôles d'influence.
Ca c'est regretable.
Nuit et brouillard, à ma connaissance, est visionné dès la 5ème je crois, et c'est un bon moyen de faire prendre conscience, tellement les images m'ont(moi hein) faites réfléchir alors qu'avant mon sujet de réflexion principal c'était de draguer la petite brune de sixième.
Dsl de mettre fin à l'enthousiasme ambiant, mais personnellement, je n'ai jamais vu "Shoah", ni "Nuit et brouillard", ni aucun de ces films, que ce soit au collège ou au lycée, pas fait d'exposés, le sujet a été à peine effleuré.
Petite anecdote, l'année dernière sur un canal de discussion, j'ai vu un jeu de mots vraiment douteux sur le mot "Holocauste" de la part d'une personne (appelons-la Machin). Une autre personne a fait remarqué que c'était déplacé. Un ami de Machin a alors expliqué que Machin n'avait que 17 ans et que donc il ne savait pas ce que c'était, même si il connaissait le mot, vu qu'il ne l'avait pas vu en cours d'histoire (vu que l'école est obligatoire jusqu'à 16 ans et que toutes les sections ne font pas histoire, c'est inquiétant), bref c'était pas sa faute...
Donc un petit travail de mémoire, pour tous, je pense que ce n'est pas inutile...
Tout à fait, Samantdi ! Il me semble que le devoir de mémoire s'applique surtout aux parents qui doivent transmettre l'horreur d'un génocide, et c'est difficile !
Comment aborder ça avec un gosse de 10 ans ? Il est sûr qu'il est plus facile de les coller devant un documentaire, mais à cet age ils sont trop fragile pour des images pareilles si on n'en a pas parlé longuement avant. Enfin, je n'ai pas eu le choix, les lectures de ma fille m'ont posé en face du problème et j'ai commencé à lui raconter petit à petit ce que je savais. Hier soir, elle a regardé le début du documentaire "Shoah", mais les images sont trop fortes pour elle encore, alors elle écoute un peu, demande si elle a bien compris, et va au lit se consoler avec une BD !
Bonjour tous, et merci de vos commentaires.
De toute façon, il n'est pas question de se reposer QUE sur la transmission familiale ou QUE sur le programme scolaire.
Tous les moyens sont bons, c'est surtout, comme le souligne Buch, le fait d'adapter les explications aux âges des enfants qui compte.
Et rien n'interdit non plus d'exercer sa propre curiosité et d'aller au delà de ce qu'on reçoit de ses parents, de l'entourage ou du système scolaire...
Reste a ce poser la question du rôle de la télévision nationale et des heures auxquelles le "patrimoine historique" et "la mémoire" sont réellement montrer aux masses téléphiles.
bon, je ne tergiverserais plus avant un bon moment, je dois partir pour mon avenir ;)
Tout à fait d'accord (ça devient agaçant ;-))
Je l'ai d'ailleurs abordé (grands esprits, poil au zizi) d'un aspect à peine plus différent.
Nous avons tous une responsabilité sur notre genre humain.
sais tu que sort en librairie "le rapport" qu'avait été commandé à Primo Levi et à son compagnon de déportation sur Auschwitz. Tiens je te mets le lien vers l'article du monde:
www.lemonde.fr/web/articl...
Nikko : en l'occurrence, 21h00, je crois que dans la programmation, il y en a pour toutes les tranches horaires (mais c'est une impression, je n'ai pas appris Télé 7 jours par coeur !!)
Barnabé : *savais qu'il se reconnaîtrait*.
"Nous avons tous une responsabilité sur notre genre humain." : tout est dit.
Pappolène : oui !! Je suis "ravie" d'ailleurs, parce que je n'en avais lu que des extraits traduits par ma directrice de recherche, ne parlant malheureusement pas l'italien. Même si la lecture de ce genre de textes n'est pas extrêmement divertissante, ça soulage des propos révisionnistes entendus ça et là.
Tous : je viens de recevoir un mail pour me dire que ça concerne les juifs et que les autres s'en foutent, en substance. A part le ravissement de recueillir de si aimables propos, je signale la présence dans les camps de concentration lors de la deuxième guerre mondiale de nombreux : résistants politiques, homosexuels, tsiganes... Comme ça on va pouvoir viser plus large.
A ce charmant lecteur, je signale d'ailleurs que Robert Antelme cité plus haut n'était pas juif. Comme ça la prochaine fois, ça lui évitera de passer pour un abruti inculte qui plus est.
Voilà. C'est dit. Poubelle le mail.
Suite à la réception de ton mèl.
*ai une crainte soudaine*
Mais me confirme aussi le malaise autour du sujet.
PS: A insulter les admirateurs qui t'envoient des mèls, tu vas te retirer du groupes des VIB. Soit consensuelle ! ("pfff mais qu'il est bête !" Je sais, je sais.)
Un malaise et une incapacité notoire de beaucoup de gens à extrapoler.
Parce que si demain, c'était les abrutis incultes ou les filles à mèches blondes ou les gens qui mesurent moins d'1 mètre 80 qui étaient déportés, tués, déshumanisés, alors là, la question serait envisagée différemment par ce gjzeoijtosiihtisnvc.
Bref.
Oui. Consensuelle. T'as qu'à croire !!
Des bises à toi avec qui je suis ravie d'échanger sereinement sur ce sujet.
Mon grand-père c'est échappé trois fois de camps.
Bon, il était doué pour l'évasion, mais pas pour le reste, alors à chaque fois il c'est fait reprendre.
Du coup, ils y ont fait une piqûre d'extermination.
Mais là aussi, pas de chance (enfin ça dépends pour qui), elle n'a pas marché sur lui.
Demandez à vos grands-pères, ils doivent avoir des histoires comme ça à vous raconter !
P.S. : beaucoup de sujets à polémique ici en ce moment, hein Anne ? ;)
En tout cas, c'est un sujet qui touche de très près miss Chiboum...
Moi ça me pose un problème cette histoire de "devoir" de mémoire.
Cette histoire de "commémoration".
Commémorer, c'est célébrer. Et on n'a pas à célébrer les camps de concentration et les camps d'extermination.
On a pas à célébrer l'horreur.
Et on mélange aujourd'hui la fascination qu'exerce cette horreur, avec les porteurs d'avenir et de survie que représente les survivants.
Mais je sais pas bien comment m'expliquer.
Faut que je mette de l'ordre dans mes idées.
Fab : Malheureusement, c'est une génération qui s'étiole. Il faut bien écouter leurs histoires pour les transmettre à notre tour.
Et oui, tiens, je dois être ascendant rebelle cette année !
L'Amoureux : oui c'est vrai, mais en même temps, comment ne pas être touché ?
LVN : je vois ce que tu veux dire, je crois. Mais il y a la question du vocabulaire (ceci dit, commémorer, c'est se souvenir, pas fêter) et celle du fond. Et même si c'est la culpabilité, mettons qu'il n'y a pas de mauvaise raison de se souvenir des choses à ne pas faire, non ?
@l'amoureux: si tu ne sais pas quoi offrir à Anne (si elle ne l'a pas dejà lu), je te conseille "Matin brun" de Franck Pavloff (et je le conseille à tous ceux qui ne l'ont pas lu)
Nan c'est bon je ne l'ai pas lu ! Merci Nounou, j'espère qu'il retiendra l'idée.
Sinon j'y remédierai moi-même.
Matin Brun, bien sûr, lis-le vite (de toute façon, tu le liras forcément vite, c'est super court). C'est édifiant.
Sinon, juste pour dire que le programme des élèves de 3ème traitant notamment la guerre de 40, mon fils est allé aujourd'hui (pas un hasard?) avec sa classe au Musée de la Résistance de L'Ile sur Sorgue. Belle initiative, non?
Le pire, c'est qu'il faut en plus payer leur AVS (assurance vieillesse et survivants en Suisse, obligatoire pour tout citoyen) par une retenue sur notre salaire =)
Pour en revenir au 'débat': ne pensez-vous pas qu'il soit plus important de sensibiliser les générations 'jeunes' quant à ces grandes atrocités passées ou présentes ? Enfin...je me souviens souvent avoir dit à mon petit frêre ado et rebelle jusqu'au sang: "bats-toi pour toi, pas pour tes parents, ils sont vieux et n'ont plus rien à prouver. Pourquoi feraient-ils des efforts ? Toi par contre, tu as tout à gagner."
Si c'était le point de vue du (de la) journaliste, je le partage.
Jujuly : excellente initiative !
Supermegacoach : je crois que le point de vue journalistique était plus moralisateur qu'autre chose, mais je peux me tromper.
Je ne crois pas à la "séparation" des générations, en fait. C'est justement en parlant en générations mêlées qu'on retire des enseignements, mais aussi des envies de faire valoir ses propres envies.
Et puis, souvent, un jeune con est un pur produit de l'éducation du vieux con, non ?
Mais je comprends ce que tu veux dire.
"Et puis, souvent, un jeune con est un pur produit de l'éducation du vieux con, non ?"
C'est tentant!
Cependant, comme l'on ne peut pas remodeler le 'vieux con' (combattre le mal à la racine) on s'en prend à ce qui est 'un peu plus maléable' ;)
Oui tu n'as pas tort !
Ceci dit l'équation n'est pas vérifiée à 100%, hein !