Il y a quelques années je suis partie en vacances en Tunisie, toute seule, en plein mois d'octobre, pour raison de jours à solder et de peine de coeur à divertir.

J'y ai rencontré un photographe qui gagnait sa vie en tirant le portrait des touristes de passage. Ne voyez pas dans cette rencontre quelque aventure exotiquement amoureuse, je suis surtout tombée face à face avec une manière de grand frère, qui m'a fait visiter Tunis, découvrir les bonheurs infinis d'un complet de poisson à la Goulette et remis quelques idées en place.

On en parlait avec Gilda il y a quelques jours, il y a des rencontres comme ça qui, pour brèves qu'elles puissent être, vous apparaissent comme des révélations sur les rails à emprunter, les chemins à suivre.

Bref, à l'époque je me demandais si je n'allais pas me mettre plus sérieusement à la photo et Khaled m'a alors expliqué sa conception du portrait.

Il disait que dans un portrait, on voit tout de suite quel oeil le photographe pose sur son sujet. Il disait que quand la personne était belle sur la photo, quand le cadrage était impeccable du premier coup, la lumière et ses jeux parfaits, l'expression spontanée autant qu'agréable, on savait à coup sûr que le photographe aimait son sujet. Et inversement.

Il disait que ses portraits de touristes n'étaient pas bons parce qu'il ne les regardait pas vraiment, que lui ce qu'il aimait, c'était prendre son pays en photo, les gens dans les rues affairés à leur vraie vie, mais qu'il fallait bien manger, aussi.

Je crois qu'il avait oublié une dimension. Le talent. Tout simplement. Peut-être parce qu'il en avait beaucoup ?

En tout cas j'aime cette explication pas très juste. Elle se rapproche de ce à quoi je crois, à la beauté dans l'oeil de celui qui aime. Et dont on a déjà parlé ici, d'ailleurs.