Cette année là, je devais avoir une douzaine d'années, mon frère 4 et demi de moins, mes parents avaient embauché pour l'été une fille au pair.

La blonde Emmanuelle (rien à voir avec ses capacités cérébrales) avait 20 ans, le teint endive de la bonne Lilloise qu'elle était, et l'énergie propre à conjuguer kid sitting de deux têtes blondes avec bronzage intensif dans le jardin et à la plage.

Or, cette année-là, sur le coup de la mi-juin, mon charmant petit frère avait attrapé la varicelle. Qu'il a eu, raisonnablement peu forte pour qu'il en guérisse et se réjouisse de partir en vacances.

Sauf que nous n'étions pas arrivés depuis une semaine qu'Emmanuelle et moi étions couvertes de boutons. Surtout moi d'ailleurs. Les recommandations du docteur étaient formelles et cruelles : ni soleil, ni eau de mer jusqu'à complète cicatrisation des boutons.

Les deux steacks tartares que nous étions devenus avons donc passé des heures dans la pénombre de nos chambres volets fermés, c'est d'ailleurs cet été-là que j'ai découvert l'intégralité des chansons de Daniel Balavoine - encore récemment disparu à l'époque - que nous écoutions religieusement entre fille sur un magnétophone à cassettes et à piles, qui n'a pas survécu à cet été.

Un jour apitoyé, papa a du même coup trouvé le moyen de nous faire plaisir et de lutter contre l'envahissement du Var par les touristes. Tous grimpés dans la voiture, nous sommes partis à la recherche d'un peu de fraîcheur par un après-midi particulièrement lourd et orageux.

A quelques dizaines de kilomètres en s'éloignant de la mer, un beau lac d'eau douce nous attendait. Papa, nous voyant presque guéries, le soleil couvert et l'eau sans sel, nous lança donc un mémorable "Allez les filles, autorisation de vous baigner".

Et quand nous avons, hurlant de joie, ôté nos t-shirts pour nous précipiter à l'eau, une bonne centaine de personnes autour de nous ont ramassés leurs vêtements à la vue de nos pustules pour s'éloigner prudamment.

Entre varicelle et oprobre, je vous le dis, ça a dû être l'un des meilleurs étés de ma vie, celui-ci !