Ce millésime 2005-2006 a été curieux, je trouve. Après des années à nous blottir dans le microscopique nid, nous nous sommes élancés vers un plus grand. Puis très vite nous avons mis en route le projet Cro-Mignonne.

C’est incroyable comme ces bonnes nouvelles ont pu apporter comme bouleversements pas toujours facile à vivre. Perte de repères quotidiens, redéfinition de nos rôles, repositionnements, parfois très douloureux et difficiles, vis-à-vis de nos familles. L’Amoureux a perdu quelqu’un qui lui était cher. Pas facile non plus de nous faire entendre nos angoisses respectives face à tous ces changements. Le boulot... ah le boulot...

Bref, ces « un peu plus d’un an » ont été parfois difficiles au quotidien et je mesure tout ce qui nous sépare dans la vie d’adulte responsable des rêves que l’on peut faire plus jeune dans la catégorie « vie de couple ».

Parfois ça demande une énergie folle de se souvenir qu’on s’aime. De se relever après chaque blessure et de tenter de l’oublier pour repartir d’un bon pied. Heureusement il y a tous ces jours où ça continue à aller de soi.

Je me sens à un tournant en ce moment. J’ai besoin de recoller des morceaux de moi que j’ai laissés loin derrière il y a des années. J’ai besoin de m’autoriser – maigre liberté dans tout ce que nos modes de vie ont d’impératif – à vivre selon mes battements de cœur, à échanger avec d’autres que nous, à ne pas me demander ce qui se fait ou pas, à me dégager de toute culpabilité.

Parfois L’Amoureux s’agace. « Je ne te suffit plus ». Mais si, bien sûr. Mais je ne veux pas t’imposer de partager avec moi des occupations qui t’ennuient et je ne veux plus m’en priver, faute d’étouffer complètement. Et je ne veux plus me priver d’amis, non plus, après avoir perdu, la faute au temps, aux kilomètres, aux routes qui s’éloignent, ceux d’ « avant ».

L’Amoureux parfois me reproche mes engouements, qu’il juge excessifs. Je me demande alors comment il est possible que je ne lui aie pas montré ce bout de moi qui est là depuis toujours. S’il ne l’a pas vu ou si j’avais enfoui ce morceau tellement profond. Je n’en sais rien.

Je me rends compte que de douleur d’être rejetée, j’ai construit tout un tas de choses qui m’ont peut-être sauvé la mise hier mais qui m’enferment aujourd’hui.

Oui je suis un pitre, mais je ne suis pas qu’un clown. Oui je suis maladroite, mais si vous saviez la fille gracieuse qui se cache tout au fond. Oui je dis des gros mots et je me conduis parfois en garçon manqué, mais si vous saviez que c’est parce que j’ai encore mal de ne pas être celle que celui que j’aimais aimait.

L’amour de L’Amoureux m’a rendu de la confiance, qui m’aide à sortir doucement de ce cocon de dépit. Aujourd’hui j’ai besoin de réunir les bouts de moi d’avant qui me plaisaient avec les bouts de moi d’aujourd’hui dont je suis fière.

Ca demande une énergie folle, parfois j’ai l’impression d’être dans un tourbillon et de perdre complètement le contrôle (alors, laisser faire jusqu’à réussir à respirer). Tout ça à conjuguer avec l’énergie folle que demande notre Toumaï pour grandir à nos côtés. Tout ça à ajouter avec l’énergie folle nécessaire pour aller au-delà des mots qui blessent. Non je ne crois pas être devenue insupportable. Oui peut-être je suis égoïste, mais non, ça n’est pas vrai qu’on ne peut pas compter sur moi. Et je ne sais toujours pas si c’étaient des mots de colère ou si vraiment tu m’aimes moins.

Mais quoi qu’il en soit je me bats, tous les jours même si ça ne se voit pas, pour ce bonheur qui a l’air simple et dont je me rends compte qu’il tient à si peu, à nos bonnes volontés, à notre désir de continuer à être heureux ensemble.