Maintenant que les copines ont toutes accouché... (enfin j'espère, hein ! Je dégage toute responsabilité en cas de grossesse non déclarée !).

C'est un billet ancien de Racontars qui m'y fait penser, et puis peut-être que maintenant, je peux raconter avec la distance, avec l'oubli, déjà.

Définitivement je ne comprends pas celles pour qui il faut "accoucher dans la douleur", rapport à nos mères et aux mères de nos mères et à toutes celles avant qui n'avaient pas le choix.

Et puis quoi aussi ? Mourir en accouchant, parce qu'avant ça arrivait tout le temps ?

Déjà dans les temps anciens et antiques, on faisait un peu confiance aux femmes pour trouver dans quelle position elles se sentaient le mieux, le moins mal. Donc, toi, adepte du travail dans les hurlements, passe ton chemin, nous n'avons pas les mêmes valeurs.

Quand j'y repense, un truc drôle, quand j'ai appris que j'étais enceinte, j'étais sûre que ça serait pour "entre mi mai et trois quarts de mai". Monsieur l'échographe m'avait détrompée et posé son pronostic pour le 31, et ben figurez-vous que c'est moi qui ai gagné.

Bref.

Tout ça pour dire qu'on était un samedi matin, qu'on venait de prendre le petit déj au lit et que je me disais qu'il faudrait que je me pousse un peu aux fesses pour prendre une douche. Ca n'a pas loupé, vu que je n'avais pas fait trois pas que je perdais les eaux, et lançait le cri qui tue : "Mon amour, le bébé va arriver !!".

Je me suis empressée de faire ce que tout manuel de la bonne future mère vous déconseille, à savoir quand même prendre ma douche parce que je savais quand j'allais entrer à l'hôpital, pas quand j'allais accoucher, et qu'il serait hyper difficile d'avoir droit à un minimum d'hygiène entre les deux. Avec un peu les genoux qui tremble, la douche. Entre trac et émotion...Conspuez tant que vous voulez, en attendant, l'histoire m'a prouvé que j'avais raison.

On est arrivés tranquillou à la maternité sur le coup de 11 heures du mat, où il m'ont gentiment examinée pour me dire que ça n'allait pas être pour tout de suite et qu'au pire, ils me déclencheraient le lundi. Lundi !!! Non mais ça va pas dans leur tête ??!! Lundi ?!! Dans deux jours !!

Et c'est ainsi que je me suis retrouvée samedi en fin de journée, dans une chambre, avec mon L'Amoureux bientôt chassé par les horaires de visite.

Des contractions. Monitoring. Des contractions à la con qui s'arrêtent à la vue de l'appareil de monitoring. Salopes.

Moi j'aurais bien voulu qu'elles continuent, ne serait-ce que pour que L'Amoureux puisse rester avec moi.

Vous savez ce que c'est, vous, d'être dans un endroit pas très sympathique, avec la perspective d'un marathon, et votre moitié obligée de partir et de vous laisser seule ? Rien que d'y penser, j'en repleure.

Spleen. Stress. Mal au ventre.

J'essaie de dormir, mais les douleurs sont trop régulières pour me laisser du répit. Pas assez pour appuyer sur le bouton. J'essaie de lire. Impossible de me concentrer pour le pourtant excellent volume de "Fortune de France" que j'avais apporté.

Je pense à demander un truc pour dormir, et puis un réflexe con, me dire "et si elle arrivait et que je sois dans les vapes" ??! On pense vraiment à des trucs débiles dans ces cas là.

Dimanche 6 heures du mat. J'ai pas dormi. Pas plus d'une demi-heure. Vannée, je n'en peux plus, contractions toutes les 5 minutes, enfin je me lâche sur le bouton d'appel.

Cette teigne d'infirmière met trois plombes à arriver. On descend. Monitoring, examen. "Vous allez entrer en salle de travail".

Sauf que la sage-femme, elle ne me plaît pas trop. Elle a l'air de trouver que mon examen clinique passe avant le fait d'appeler mon amoureux. Je ne suis pas d'accord du tout.

7 heures, L'Amoureux débarque.

Ca tombe bien, parce que je commence à déguster vraiment plus du tout pour rire.

Changement de sage-femme. Pour une plus sympa, ouf. Avec un peu de chance c'est avec elle que ça se passer, sauf si ça doit durer une douzaine d'heure. Ahah c'te bonne blague. Pas possible, non ? Si ?

10 heures, l'heure de la péridurale. Entrée en matière de l'anesthésiste : "excusez-moi, j'ai pris le temps de prendre un café, je finis ma garde avec vous et je ne voulais pas vous rater". Avant d'enchaîner sur "avant de faire le deuxième, vous aurez quelques kilos à perdre, hein".

Je me demande si c'est une stratégie pour que je sois trop énervée pour penser à ce qu'elle me fait. Sans doute. Sinon ça voudrait dire qu'elle est vraiment au degré -500 de la psychologie de base...

10h15, le meilleur moment de ma vie. Le petit coup de morphine qui fait planer. Finalement vous savez quoi ? Je suis heu-reuse. Hilare, aussi. Tout va bien.

10h30, ah ben dommage, c'est déjà fini. Enfin j'ai plus mal, c'est déjà ça. J'en profite pour dormir une heure.

Plus tard : dès que L'Amoureux tourne les talons pour une pause pipi ou cigarette, je croise tout ce que j'ai comme doigts mobiles pour qu'il revienne avant que. Mais pas besoin de croiser, rien ne se passe.

Deuxième coup de péridurale en début d'après-midi, qui ne marche que d'un côté.

14h00 : en apparté à mon amoureux : "en même temps s'ils voulaient me faire une césarienne, on serait débarrassés, parce que là, le temps commence à être long".

16h15 : La sage-femme m'annonce qu'elle va accoucher la dame d'à côté et qu'après c'est mon tour.

16h40 : Elle revient. Qu'on m'amène la salope qui a accouché en 25 minutes. De suite. Il me faut quelqu'un à mordre.

Dernier shoot de péridurale.

16h45 : La sage-femme m'annonce qu'elle va "quand même" appeler l'interne. Quand même ? Oui parce qu'elle pense que ça passe mais qu'elle a comme un doute, là, tout de suite. Angoisse.

Et puis je n'ai plus la notion du temps. Une armada débarque, sage-femme, deux toubibs, quelques infirmières.

Je pousse. Apparemment bien malgré mon remarquable absentéisme aux cours de "j'échauffe mon périnée entre copines".

Sauf qu'à un moment on me dit de tout arrêter. Je sens, sans la douleur, mais avec une putain de sensation, la coupure. Forceps. L'Amoureux est blanc à côté de moi, j'essaie de lui jouer à la de Funès (regarde moi dans les yeux), mais je dois manquer d'humour et de capacité de conviction, visiblement. Je sens dans son regard que c'est aussi pire que ce que je ressens.

17h25 : Cro-Mignonne est née. Tout va bien pour elle.

Pour moi : hémorragie. Montée à 40 de fièvre. Coutures. Douloureuses. L'Amoureux participe aux premiers soins de sa fille toute neuve. Je double mon temps de surveillance dans la salle de travail. En profite pour appeler Maman. Inquiète. Mais qui me demande "mais quand même, tu es contente ?" Je ne sais pas. Je ne sais plus rien. A en croire les photos, je sais a posteriori que oui, je l'étais.

Puis finalement, on me remonte.

J'ai de la chance, je suis un cas difficile. Du coup, j'ai droit à l'une des rares chambres seules.

Je suis épuisée. L'Amoureux prend presque à ma place la décision de laisser Cro-Mi à la nursery. On vient la chercher vers 22 heures et je vis mon premier déchirement de mère.

D'autant qu'une partie de la nuit je l'entends pleurer. Et je m'en veux. Soulagement, à 6 heures, quand on me l'amène pour son premier bib avec maman.

Dormi quelque chose comme 5 heures sur l'ensemble de mon séjour. Enervée par les conseils contradictoires autant que péremptoires du personnel environnant.

Par la revêchitude des infirmières de nuit.

Puis retour maison. Quelques désagréments encore, I love les infections nosocomiales, entre autres.

Cro-Mignonne est de nature plus heureuse. Très vite la trace des forceps disparaît. Le cordon tombe. Elle démarre sa vie et je peste contre mon fondement.

Il a fallu un mois, un mois où j'ai morflé comme une dingue avec le sempiternel "mais c'est le baby blues" qui te ne te fait aucun bien à ton mal au cul à toi que tu as. L'énorme coup de fatigue à la fin du premier mois. Et puis tout un coup l'émerveillement qui arrive à se faire entendre dans un peu plus de disponibilité. Physique, surtout.

Et maintenant, le pire, c'est que je commence à comprendre qu'il est possible d'en refaire après.

Drôle de machine que l'humain.

Mais pour toutes celles qui veulent vraiment vivre ça "à 100%", je dirais qu'on a bien de la chance de pouvoir s'épargner un peu de souffrance, un peu d'énergie, pour pouvoir en faire profiter notre bébé après. Que du coup, si deuxième il y a, je confirme, elles joueront sans moi.

Ca valait la peine, hein. Sauf que, boudiou, si un dieu existe, c'est un homme et il n'a jamais accouché, l'enfoiré.