DE L'ENGAGEMENT
Par Chiboum le mercredi 24 octobre 2007, 09:18 - Si on refaisait le monde ? - Lien permanent
On lit, on entend, beaucoup de profs (et quelques proviseurs !) s'interroger sur la circulaire ministérielle leur demandant de lire à leurs élèves la fameuse lettre de Guy Môquet.
Beaucoup s'interrogent et c'est bien normal. Outre le fait que la lecture de cette lettre porte la poisse à nos joueurs de rugby (hinhin, je voulais absolument la caser, celle-là), on peut s'interroger sur la pertinence d'une telle lecture sans mise en perspective.
De la mise en perspective, j'ai eu la chance d'en avoir la semaine dernière.
J'ai assisté à la lecture publique d'une pièce, je vous passe les circonstances précises pour éviter de relier ma vie professionnelle à celle céans, qui me semble une formidable opportunité de réflexion, de dialogues, de débats autour de la question de l'engagement.
L'auteur (encore une fois, pardon pour les approximations, goo*gle n'est pas mon ami sur ce coup !) nous embarque en 1944, à Chartres.
Un résistant pense trouver refuge chez son ami d'enfance, qui, terrorisé à l'idée d'être fusillé pour complicité avec un terroriste, va, par le biais de sa femme, le dénoncer.
La pièce est écrite comme un film, les flash-backs succèdent aux dialogues entre personnages morts et vivants, amis ou anciens amis, amants et aimants. Aucun d'entre eux n'est d'un bloc, et c'est bien tout l'intérêt de cette pièce que de nous montrer quelles failles, quelles raisons ont fait que certains ont considéré qu'il est des causes plus nobles que leur vie et d'autres pas.
Une phrase me revient en tête, "aucune mère ne me condamnera pour ce que j'ai fait". Bien sûr ça me touche, mais chaque réplique de cette pièce est une incitation au questionnement, à la réflexion sur la question de l'engagement.
Et en plus c'est beau.
J'ai mis deux bonnes heures à revenir sur terre après cette lecture, alors que la mise en scène était encore à l'état embryonnaire, alors que le lieu, la lumière, les circonstances étaient loin de favoriser ma capacité à me laisser embarquer.
Pour tous les profs qui passent ici et qui se demanderaient quelle sortie pédagogique ils pourraient bien faire en février (la pièce sera jouée à Montreuil), pour tous ceux qui veulent découvrir ce texte incroyable de modernité, pour tous ceux qui voudraient encourager un théâtre engagé, pour le coup, n'hésitez pas. Le prix des places est modique, en plus.
Alors de tout mon coeur je vous incite à aller voir la pièce dont je ne peux pas citer le nom, en espérant que vous passerez un excellent moment là-bas.
Et j'ai des tas d'infos à vous faire passer par mail pour ceux qui souhaitent !
Commentaires
Si ça te tente autant ;-)
Hier sur FranceInter, "Là bas si j'y suis" a repris une émission diffusée je crois en 2003 et basée sur la lecture des dernières lettres écrites dans les mêmes circonstances que celle de Guy Moquet. Très émouvant. Certaines très engagées comme celle de Timbault. Tous persuadés qu'ils ne seraient pas morts pour rien. Et pourtant, certains se conduisent aussi mal qu'à cette époque mais nous n'avons plus l'excuse de ne pas savoir.
L'Amoureux, ah mais de toute façon, il faudra que j'y aille par obligation professionnelle (et c'est là que je me dis que certaines obligations sont un régal !!).
Catherine, nous n'avons plus l'excuse de ne pas savoir, certes, mais surtout, les choses se passent très insidieusement. Du coup chacun pense que la foudre tombera à côté de lui et peu de gens ressentent la nécessité de l'engagement. Pour les lettres, les dernières avant de mourir quand on sait qu'on va mourir, forcément qu'elles sont émouvantes. Mais je trouve qu'il y a tellement plus que l'émotion à dire sur ce sujet...
Ah, c'est sûr, tu nous mets l'eau à la bouche, avec la pièce de ***, écrite en ****, qui parle de ***, qui se jouera à ***, au mois de *** 200*, dans le théâtre de *** ! :-P
T'inquiète, on ira avec un imper, un chapeau, une fausse moustache et des lunettes noires (et on regardera à travers un journal troué, of course) !
Non mais une fois qu'on sera sur place, Fabrice, tout ira bien ! Vous aurez même le droit de dire qu'on se connaît par les blogs, tout ça. D'ailleurs mon boss sait que j'ai un blog et que j'y tisse des liens.
Simplement, je crois que je lui donnerai l'adresse quand on ne travaillera plus ensemble, on a déjà suffisamment tendance à bosser fusionnel (sans aucun sous-entendu, je te vois venir), sans lui donner les clés de ce que je ne lui dis pas, ou pas toujours !
Mais bon, ok, ça prête à rire.
Fabrice > C'est quoi ce pseudo de ouf ? :))
Et une fois de plus, la provinciale est frustrée !
(Et au bureau, tu fermes précipitamment ta page de blog dès que ton boss passe vers toi ? :-E )
Madeleine, j'ai largement le temps de l'entendre arriver !
Heu je veux bien toutes les infos par mail moi steuplait ;-)
C'est parti Luciole ! Je me doutais, va ! ^^
De ce que tu en dis et du lien que tu donnes, cette pièce me paraît d'autant plus intéressante pour les jeunes qu'elle a un lien avec le thème choisi cette année pour le concours sur la résistance et la déportation, organisé chaque année pour les collégiens et lycéens (le thème, en gros, c'est les gens qui ont aidé ceux qui résistaient, qui ont eux aussi accompli, à leur manière, une forme de résistance).
Merci pour l'info, swahili. J'espère que de nombreux profs feront le déplacement, alors ! D'autant plus, je veux dire !
Alors c'est à voir, pour sûr !
Moi franchement la lettre de Guy Moquet... Ca me dérange que ce soit 1 personne, fut-elle président de la république qui décide de ce que les profs doivent enseigner.
A leur place, j'y aurais ajouté la chanson du déserteur de Boris Vian, et le film les sentiers de la gloire, tous deux longtemps censurés par la famille politique du petit Nicolas.
Non mais ! 8-I
LaVitaNuda, j'aime bien quand tu fais ton subversif ! ^^ Et puis de toute façon, toi t'as pas le choix, tu iras :-E
Bonne nouvelle l'année prochaine la lecture de la fameuse lettre ne sera pas obligatoire ! Cela a l'air bien cette pièce, petite chanceuse !
L'an prochain on lit le texte de la chanson de JJ Goldman "si j'étais né en 17 à Leidenstadt" :-E
Blague à part il n'était pas question de ne pas mettre cette lettre en perspective. Celles et ceux qui ne l'auraient pas compris sont de bien piètres pédagogues ! Même quand on est prof de physique on devrait être capable d'entamer une discussion avec ses élèves...
C'est justement la liberté laissée aux enseignants sur la manière d'exploiter ce texte qui en faisait le seul intérêt. Manquerait plus qu'on nous prenne encore un peu plus pour des débiles en nous apportant un "pack Guy Moquet: La lettre et son mode d'emploi pédagogique, à utiliser en une fois, ouverture facile !"
A partir de cette lettre on pouvait s'interroger sur la place de l'émotion dans l'éveil des conciences, sur l'individu, le don de soi, l'engagement (et le texte de Vian dont parle LVN peut alors faire un formidable pendant : s'engage-t-on en agissant ou en refusant d'agir ?) On pouvait aussi indirectement montrer aux élèves que réfléchir ça ne fait pas mal, que le lycée est aussi un lieu d'éveil aux idées et pas seulement l'endroit où on décroche le diplôme qui donnera le boulot pour travailler plus qui donnera le salaire qui gagnera plus pour avoir le home cinéma et le monospace ;-)
Encore faut-il être capable de sortir de sa routine et d'entamer avec ces jeunes, qui ne sont pas contre, un débat de fond...
Ceci étant dit, cette pièce peut en effet constituer un spectacle interessant à bosser avec des élèves. Toute la force du texte théâtral au service des idées, ça colle au programme ça madame !
L'émotion, vous dis-je, comme en son temps était le poumon.
Je me demande si je n'ai pas un mauvais esprit anti français. Je me demande pourquoi IL a choisi cette lettre laïque et obligatoire, à lire. La lettre de n'importe qui sur le point de mourir serait tout aussi bien trouvée, tu l'as exactement dit comme il fallait, Anne.
D'autres lettres écrites par ses petits camarades, si par hasard on les retrouvait.
D'autres lettres de Guy Moquet, écrites pendant le court temps de son combat, mais que pudiquement notre petit ami haut perché oublie, où ce jeune homme décrit ses véritables ennemis, le grand capital d'alors, la haute finance de toujours, leurs complicités chez les envahisseurs, les dégâts qu'ils provoquent et qu'il faut réparer; il n'oublie pas les bons français du jour qui aimaient Hitler, il n'oublie pas les patrons des patrons, dont l'un d'eux, comme par hasard, fut celui qui mit son nom sur la liste des 27. Sarkozy connait-il le nom de ce bon français de patron qui mit le nom de Guy Moquet sur la liste? En a-t-il cure?
Il a oublié ces autres lettres de Guy Moquet, l'ami président. Jamais connues, peut-être. Elles comptent pour du beurre, ces lettres? Ne seraient elles pas le seul et véritable testament à la nation, bien plus que le testament aux siens, à qui il évite les discours de lutte pour s'en tenir à l'amour qu'il leur porte, juste un fils qui aime, émouvant mais, je le dis, banal, heureusement banal, émouvant parce que banal, émouvant parce que chacun de nous peut s'y reconnaître dans cette banalité là, nous aurions écrit pareil sans aucune forfanterie. Tous les français auraient écrit pareil sans avoir de leçon à recevoir, pour peu qu'ils aient eu envie de combattre l'ignominie. Elle n'est jamais où l'on croit qu'elle est, l'ignominie, et aujourd'hui elle est dans les sommets démocratiques. Nul besoin d'Hitler.
Je prie chacun de me pardonner, je ne trouve rien de de patriote ni de national ni de républicain, dans cette lettre à lire, et seules des motivations patriotes, nationales et républicaines pourraient justifier d'une lecture obligatoire et laïque.
Qu'elle contienne de belles paroles, des paroles aimantes, particulièrement matures pour un gamin de dix-sept ans, c'est évident et c'est bouleversant, mais ne le devient-on pas, évident et bouleversant, dès lors que la mort s'approche et qu'on la regarde en face? Ce sont avant toute chose des paroles intimes, assez pour me mettre mal à l'aise dans ma position de voyeur.
Soixante millions de voyeurs par la volonté présidentielle. Ce n'est pas le moindre pilier du scandale.
Péroraison: cette lettre n'a rien à faire sous nos yeux. Il en est de plus éducatives et civiques, il en est de moins intimes et secrètes. L'exhibition des tripes et la dissimulation des vraies raisons du combat de Guy Moquet sont les seules mamelles de cette gesticulation médiatique honteuse.
Pardonne moi pour cette invraisemblable longueur. Si tu veux, tu pourras le détruire, j'ai gardé la copie pour le mettre en ligne chez Bloghumeur.
Fauvette, mais tu pourras la voir si tu veux ! Je t'en reparle, si ça te tente !
Heidi, j'espère que la majorité des profs ont fait cette mise en perspective. Mais quand la seconde guerre mondiale est au programme en fin d'année, ça en fait des allers-retours vers le futur ^^
Andrem, pas question que je détruise ce très intéressant commentaire ! Du coup tu me donnes entre autres une idée, publier ici l'une des lettres dont tu parles. Quoi ? C'est une lettre de Guy Môquet ?! :-P
Moi ce qui me dérange le plus dans tout ça, ce n'est pas tant la lettre en elle-même, si ce n'est qu'en effet, un homme a décidé comme ça arbitrairement que ce serait celle-ci et pas une autre, cet auteur et pas un autre.
Mais plus que tout, là ce qui commence à vraiment, vraiment me choquer, c'est qu'on se prend à la télé ET au cinéma le lancement du film tourné comme par hasard au sujet de cette lettre, et j'en viens à me dire que là, ça fait vraiment beaucoup... Bref, ll ne faut rien d'autre pour me donner envie de boycotter un film, et c'est bien dommage, parce que je ne lui laisserai probablement pas la chance qu'il pourrait mériter...
Et sinon, si j'étais du côté de Paris, je serais vraiment très alléchée par ta pièce, mais malheureusement...
Bises :)
Peut-être, Floh, qu'il faut aller chercher ailleurs qui était Guy Môquet (et ses camarades) ?