DES PIECES DU PUZZLE
Par Chiboum le lundi 29 octobre 2007, 08:00 - All about Chiboum - Lien permanent
Je ne sais pas pourquoi, je me demandais l'autre jour, si je devais raconter des choses fondatrices ou essentielles dans ce que je suis, ce qui remonterait à la surface...
Il y a le marché de Versailles avec mon grand-père paternel, pour m'initier au fromage. Les balades dans les bois, les grandes conversations d'enfance, l'immense complicité dont je ne me souviens surtout que par sensations. Il est mort quand j'avais quatorze ans, mes souvenirs sont donc un peu lointains, un peu rêvés. Mais j'ai la certitude d'avoir été aimée à la folie par ce papy là, autant que je l'aimais comme une folle et comme je continue malgré son absence.
Et ça m'est resté, en fait, cette capacité à aimer les gens malgré leur absence, ou "malgré eux", parfois. Les tombereaux de larmes qui vont avec.
Les vacances où ma grand-mère a décidé de m'initier à la cuisine (en commençant par les oeufs mimosas). Mon émerveillement parce qu'elle savait casser les oeufs d'une main. Ses monologues chiants, nos discussions. Enfant, ado, jeune adulte. Là aussi, j'ai la conscience d'avoir eu un rapport très privilégié avec elle. Jusqu'au bout, jusqu'à sa fin, plus récente mais forcément bien trop tôt.
Les jeux de cartes, les jeux de société, avec mes deux grands-pères.
Les fous-rires et les discussions sans fin avec ma tante, jusqu'à ce qu'elle change, jusqu'à ce qu'on ne se reconnaisse plus trop bien. J'espère qu'un jour on se retrouvera, qu'elle retrouvera aussi son frère, mon papa. J'espère que ça n'est pas pour toujours, ne pas la reconnaître.
Mes oncles. Leur amusement de grands jeunes hommes face au mystère qu'était un bébé, premier né des deux côtés de la famille. Leurs gestes de tendresse, leurs moqueries, chacun dans son style, très différent.
Les vadrouilles avec Papa les matins d'été, pour aller chercher la fougasse. En fait tous les moments où on pouvait se retrouver et être complices, faire des choses ensemble, père et fille rigolards. Nos rires. Nos discussions. Nos refaisage de monde systématiques.
Les moments avec Maman, aussi. Souvent le week-end, la tournée boulangerie-boucher-fruits et légumes. Et puis tout ce qui nous rapproche toujours un peu plus avec le temps qui passe. Je pense que je suis une meilleure fille pour ma mère en grandissant. Moins "fille à mon papa" fière de ses prérogatives. J'aime Maman avec une tendresse infinie, si je veux la faire pleurer, je lui dis que si je devais aller voir un psy, je n'aurais rien à dire d'autre sur elle que "on s'aime". Et j'adore l'entendre dire en parlant de sa petite-fille "on s'aime". J'adore la découvrir grand-mère, avec toutes nos différences, je nous trouve des similitudes de caractère, ou bien de façon de vivre la venue d'un enfant, que je n'aurais jamais soupçonnées avant. Mais c'est tout Maman, ça. Un long fleuve qui semble tranquille et tout d'un coup vous révèle quelque chose qui vous fait tomber de la chaise !
Des souvenirs de môme avec mon frère, nos jeux, nos disputes, notre manque absolue de proximité mais la certitude quand même qu'on est frère et soeur. Avec nos ressemblances, nos dissemblances, et notre degré zéro de toute forme de "séduction". Bruts de décoffrage l'un vis-à-vis de l'autre, rien à se prouver, et plein de choses à s'offrir, bout par bout, et très lentement.
Il y a tout ce que vous connaissez de ma vie avec L'Amoureux, de ma vie de maman, aussi.
Dans les pièces du puzzle, il y a les regards dans lesquels je me suis noyée, parfois ou souvent. Il y a le contact de certaines mains, il y a des bribes de mots et des tonnes de points de suspension.
Il y a tout ce que je n'ai dit à personne, nulle part, et puis tout ce que je ne dis pas ici.
Et tout ça s'assemble parfois tout simplement, alors qu'à d'autres moments, j'arrive à peine à trouver dans quel sens s'emboîtent deux des pièces...
Commentaires
Tant mieux, quelque part ... c'est moins drôle quand le puzzle est fini trop vite! (k) Ils ont de la chance tes proches, je ne suis pas sûre de pouvoir parler des miens comme ça. Et de toute façon on ne se dit jamais qu'on s'aime.
C'est un puzzle sans fin, ça, ou du moins qui n'a de fin que la nôtre, qui s'agrandit, s'étoffe à chaque nouvelle rencontre, du moins si tu y inclus les Amis aussi. Mais déjà rien que dans la famille, ça change tellement vite... Et puis c'est si bien écrit, ce que tu racontes, que ce serait tout à fait dommage de le passer sous silence ;-) Bonne journée et bises ^^
Raphaëlle, oui j'ai de la chance ! Et finir le puzzle, non non non pas tout de suite ! Mais en revanche, c'est bizarre parfois de perdre de vue le début d'image qu'il forme... (k)
Floh, merci mille fois, et bises à toi aussi !
Dans les puzzles, l'image représentée n'apparaît en général pas tout de suite, sauf dans le cas des puzzles trop simples, mais après avoir pris du recul. Combien d'éléments incohérents entre eux finissent par prendre sens quand on regarde l'ensemble d'un peu plus loin…
Gilles Aitte, "recule, recule, je t'ai pas dans le cadre" :-E
Oui, bien sûr, tu as raison. Mais bon, parfois il y a des morceaux sur lesquels il est bon de s'attarder, même si on ne perçoit pas la vue d'ensemble de façon évidente.
Que c'est riche une vie d'humain ... une vie de Chiboum en tous cas ! Et parfois bien foutu, et parfois tellement mal qu'on se demande comment on peut se dire "un" avec une telle dispersion ... mais infiniment riche, non ?
Miam, voilà un post qui sent l'étal du fromager, les sous-bois, les recettes de cuisine. Qui résonne du bruit des discussions, des rires, des promenades, fu temps passé ensemble...
Un legs dont on peut hériter aussi un peu ici, nous tous, tous les jours, à travers toi, et ça ca fait du bien. :)
C'est un très beau texte qui te ressemble beaucoup. Ton puzzle est très coloré. Gai et beau. Joyeux malgré les absences.
zelda, aucun de nous n'est "un", en tout cas j'espère, ça serait limité !
LaVitaNuda, et bien tant mieux si ça fait du bien alentours, alors !
Phany, merci beaucoup, ça me touche que ça soit "sensible" à la lecture.
Tu me sembles née sous le signe de l'amour, l'amour partagé.
Fauvette, je pourrais ricaner sur le fait que vu le temps qu'on mis mes parents à réussir à me faire, on ne peut pas en douter.
Mais oui, j'ai cette chance, cette certitude, de pouvoir affirmer sans hésitation que je suis née sous le signe de l'amour, sous plein de forme. Et c'est une grande force (et parfois une immense faiblesse).
Si un jour une de mes filles écrit un texte aussi beau, je me dirai que j'ai réussi ma vie ^^
Putain mais tu me fais pleurer, je fais grève de lecture chez toi... jusqu'à demain. Sinon c'est juste magnifique, pas moins. (k)
Je pleure tout pareil que ta maman de lire ces mots-là... (il est où le smiley avec une larme ?)
J'ai le nez qui pique quand je lis le passage sur ta maman. Oui, il est où le smiley? (k)
swahili, bon ben je vais envoyer ton commentaire à Maman, histoire de LOL
Nath, merci merci (k) Je te préviens, la semaine va être plutôt tendre et sentimentale, au moins en partie !
Traou, heu... ben... c'est marrant ils sont plutôt rigolards mes smileys. Faut pas pleurer, c'est que du doux et du bon !
fdb, j'en connais une paire qui doivent t'en dire des aussi doux, va ! (k)
Un tas de souvenirs agréables que je ne connais pas... heureusement qu'il y a des gens comme toi pour écrire se genre de jolies choses, car si on ne se souvient pas de ce genre de choses, on sait au moins qu'elles existent ^^
(k)
Merci ma belle Missy'V... (k)