Cro-Mignonne revient vers nous comme un élastique, depuis quelques semaines. Elle se fait la preuve de son autonomie et vite, se réfugie près de nous pour s'assurer qu'on est là.

Elle pourrait aller jouer dans sa chambre et faire des allers-retours, mais elle préfère déménager une partie de son barda pour jouer tout contre nous, avec nous étant encore mieux.

Elle pleure un peu le matin quand on la laisse chez Mary Poppins. Non pas qu'elle y passe de mauvaises journées, mais loin de nous.

Ca me fait sourire et un pincement au cœur à la fois, ces allées-venues du monde du bébé à celui de l'enfance. Un peu sur le mode "j'y vais ? j'y vais pas ?".

Je sais bien que progressivement, l'élastique se détendra de plus en plus et qu'elle aura de moins en moins besoin de nous pour avancer. Certes il reste du temps, mais ça passe tellement vite... En attendant je goûte des joies infinies, celles qu'on imagine quand on espère un enfant et dont on se rend compte qu'elles sont encore plus fortes quand on en a un. Marcher main dans la main en papotant. La soulever chacun par un bras en faisant "à la une, à la deux, à la trois, ouhhhh !!". Regarder sa démarche de petite bonne femme avec balancement de la couche intégré. Rire de ses blagues, me régaler des chansons qu'elle nous répète toute la journée...

Je n'encourage ni ne dissuade les crises de retour dans mes jupes. Je fais savoir : je suis là. Je réponds de même aux 500 "Maman ?" quotidiens. D'ailleurs très souvent, quand elle nous voit, la première chose qu'elle dit c'est "Papa est là, Maman est là". Je l'accompagne dans ses envols et lui tends les bras à la demande. Je crois qu'en enfance comme pour tout, c'est le moment où on le sent qui est le bon, et ce n'est pas à moi de lui dire quel moment elle sent pour telle ou telle avancée. Ce qu'elle attend de moi est autre, plus impalpable, présence, approbation de son être, de sa volonté de grandir.

Stimuler sans trop pousser, encore un équilibre parental parfois évident, parfois extrêmement compliqué.

Moi aussi j'ai un élastique dans le cœur. Lundi soir, elle voulait rentrer dans mes bras plutôt qu'en marchant. Et perchée ainsi, elle avait le regard planté dans le ciel, à guetter pigeons, avions et étoile, l'air... elle était belle, tout simplement.

Et à voir ce visage si absolument beau, ce regard aux nuances infinies, je me suis sentie ramenée tout près d'elle comme si nous ne faisions à nouveau plus qu'une dans l'autre. Comme je le serais sans doute toute ma vie, ramenée des soucis, des rêveries, d'autres pensées, inlassablement et sans aucune envie d'être lassée.

Si vous aviez vu ce visage tendu vers le ciel, ce regard, ce sourire...

Bouleversement permanent de l'ordre de mon cœur...