Le billet nécrologique
Par Sacrip'Anne le mercredi 17 mars 2010, 07:43 - All about Chiboum - Lien permanent
Depuis pas loin de sept ans que je traîne au cœur de blogs, j'en ai vu passer un certain nombre, de billets nécrologiques.
Et si je comprends l'émotion, l'envie de rendre hommage, il est fort rare qu'à mon tour je me livre à ce besoin. Dire combien untel a compté.
Je ne sais pas pourquoi, et je dois même avouer que ceux de mes e-ami(e)s préféré(e)s, je les survole et ne les commente que très rarement.
Une piste, ce matin, dans mes pensées du matin. Peut-être que le trou des absents "que je connaissais pour de vrai" prend trop de place.
Les artistes qui meurent, la plupart du temps, je n'en connais que leur travail. Et encore, pas tout. Et ce travail, il reste (partons du principe que leur gloire bien méritée repose sur une œuvre dont la qualité mérite de perdurer quelques décennies).
Le manque d'eux me pèserait sans doute moins que l'arrêt d'existence de gens avec qui j'avais une interaction ? Oui, peut-être. Ou juste, je ne sais pas mettre de mots sur cette émotion là, si loin et si proche.
Ceci dit, il en est de très beaux, des billets hommages. Et j'aimerais, d'une certaine manière, me dire que Ferrat ou Bashung, Salinger ou Georges Wilson, ou même Patrick Topaloff, vont me manquer. Mais à vrai dire, et sans que ça soit dénué de tristesse pour un humain qui finit, je n'y arrive pas vraiment. Comme si le patrimoine laissé par ceux que j'ai préférés (pas forcément cités dans la liste ci-dessus !!) m'était, à moi qui ne leur était pas proche, une forme "d'ils sont toujours là".
Du coup, je ne salue pas, ou presque jamais, les fins des glorieux qui nous quittent. Parce que d'eux, à part ce que chacun sait, je n'ai tellement rien à dire qui serait un vrai hommage, à part que j'ai aimé tout ou partie de leur travail, qu'au fond ça ne me servirait à rien. Ni à eux.
(Et ce mode de fonctionnement ne lasse de m'étonner, figurez-vous).
Commentaires
Anne, vraiment, merci!! Parce qu'à une seule exception près (un très très grand chorégraphe, qui m'a donné l'impression d'un vide parce que je savais que je ne verrai plus jamais de nouvelles merveilles sur scène), je suis incapable d'écrire sur les "stars" disparues!! Et même, je m'offusque d'entendre des gens dire "je ne sais pas comment on fera sans". Je ne comprends pas. Comme toi, pour moi ce qui perdure, c'est leur oeuvre.
Ton billet, à la virgule près, j'aurais pu l'écrire...Alors merci :)
Comme Floh, sauf que je n'aurais pu l'écrire aussi précisément, mais c'est ce que j'aurais voulu dire...
Tout pareil que Floh et sLeAbO, tu écris exactement ce que je pense (en mieux écrit tout de même :p). En fait, les très rares fois ou j'ai eu envie d'écrire quelque chose sur un disparu, c'était tellement plat que ça n'aurait même pas valu la peine de le publier. Alors je m'abstiens!
Ah ben merci, Floh ! Moi qui me sentais un peu "honteuse" !!!
sLeAbO, si tu veux, je peux écrire tes billets, aussi, tant qu'à faire, pour meubler l'espace !! LOL
Raphaëlle, ça n'empêche pas les sentiments, va !
Faudrait que je relise ce que j'ai publié dans ces cas-là, mais à priori ...
soit je ne mets rien de particulier (qui ne serait que "plat" effectivement),
soit je m'attache à un souvenir marquant qui témoigne que l'oeuvre m'a accompagné (et plus ou moins modifié, construit, ...)
ou bien encore un extrait, une citation (ex: Ferrat, texte de poème d' Aragon qu'il a mis en musique) dont je peux dire à coup sûr que toutes proportions gardées c'est "en moi".
Voilà !
K, ah mais ça n'est même pas une question de contenu, ceux que j'ai lus ici et là et parfois chez toi sont souvent touchants ou instructifs. C'est vraiment un truc "interne" qui fait que je ne vois pas bien quoi dire qui soit un peu intéressant dans mon cas !
Mais j'ai l'impression qu'en général les nécrologiques des blogueurs (contrairement à celles des journaux dont leur but est autre) font partie de ces à (quelques) exceptions près dont parle Floh : ce chorégraphe pour elle le chanteur ou l'écrivain ou le cinéaste pour tel autre... Et c'est toujours, j'ai l'impression, pour les mêmes raisons que Floh : parce que si c'est vrai que les oeuvres pedurent, il n'y en aura pas d'autres comme celles qui nous ont marqué par le passé ou qui, même, nous ont changé complètement la vie et la façon de l'affronter.
C'était un dimanche de février 1984, j'avais donc 22 ans, et quand a envahi les radios la nouvelle que l'écrivain argentin était mort à Paris, m'ont pris une peine et une tristesse inconsolables. Bien sûr ses oeuvres perdureraient, ses héritiers publieraient au fil des ans des oeuvres inédites ou inachevées, mais lui il était mort, on n'entendrait plus ou on ne lirait plus ses interviews, on n'assisterait plus à ses luttes politiques ni à ses prises de position publiques contre certaines dictatures, il ne ferait plus partie du Tribunal Russell, je ne pourrais pas lui écrire comme j'avais prévu cette lettre pleine de palindromes, il était devenu un écrivain mort, il était mort. Quand vingt ans plus tard j'ai visité Buenos Aires (et l'anniversaire de sa mort était marqué là-bas par une importante exposition que j'ai eu un plaisir fou à parcourir –il était reconnu largement dans son pays depuis des années, on lui avait même rendu la nationalité argentine dont les militaires lui avaient privé dès que Jack Lang lui accorda la française–), j'avais plein de souvenirs de cette ville que j'avais connu seulement à travers ses écrits, j'aimais bien (j'aime encore) me plonger de temps en temps dans certaines de ses nouvelles, mais il est mort. Maintenant que j'y pense, la première fois que j'ai visité Paris c'était en 1984, cinq mois seulement après qu'il se soit définitivement installé à Montparnasse, où je suis allé visiter son tombeau avec une amie : il était irrémédiablement mort. Si j'avais eu un blog ce dimanche de février, j'y aurais déversé ma rage et ma peine, et clamé et pleuré le vide qu'il laissait en moi.
Pablo, je comprends, et je partage ta perception. C'est juste que sur ces peines là, je ne sais pas mettre les mots, juste me dire que ce que ces gens ont fait vivra en moi. Ca n'avait rien, en tout cas, d'un réquisitoire contre les billets hommages. C'est juste que... ça, je ne sais pas faire.
Mais en fait, Pablo a mis le doigt sur une contradiction que j'ai écrite, et que j'ai réalisée en l'écrivant (mais en me taisant, espérant que...et raté ;-) ) C'est vrai que pour ceux qui écrivent, c'est peut-être à chaque fois "l'exception près". Parce qu'en effet, en ce qui me concerne, je sais que je pourrai revoir les ballets qui m'ont émues, mais je n'aurai plus jamais le plaisir d'en découvrir un nouveau. Ce doit être la même chose pour les chanteurs, plus de nouvel album, les écrivains, plus de nouvel ouvrage...
Comme l'a dit K, la belle façon de rendre hommage, c'est probablement d'évoquer une anecdote, ou une réflexion inspirée par l'artiste. C'est souvent très bien écrit, et comme toi Anne, je m'en sens globalement incapable. Mais je ne crois vraiment pas qu'il y ait de quoi avoir honte.
Non, non, je ne l'ai pas pris comme réquisitoire... juste comme occasion pour écrire avec "un peu" de retard un commentaire hommage... un peu trop long, oups
Floh, ah mais si on ressent le besoin d'écrire ces billets, c'est bien parce que c'est quelqu'un d'exception à nos yeux, non ? Enfin ! Faisons avec ce que nous sommes.
Pablo, ben non, chouette que tu te soies senti bien pour l'écrire ici :-)
Peut-être que n'ayant pas "d'absents" proches récemment, la disparition de certain(e)s me marque plus ?!L'idée que je me fais du "billet nécrologique" étant de se retrouver "autour de" - un peu comme au-dessus du cercueil ...
Madeleine, ce qui est sûr, c'est que chacun d'entre nous vit un deuil différemment. Alors j'imagine qu'on a tous nos façons de gérer l'absence, et que ce qui compte, c'est le bien que ça nous fait, à nous qui restons.
Je l'ai fait une fois, j'en avais envie sinon besoin. Un truc un peu comme d'applaudir à la fin d'un film, une façon de dire au revoir et merci.
Et petite anecdote à propos de nos chers "trop tôt disparus". Ce matin j'expliquais l'angoisse de la fuite du temps, Nous en sommes arrivés à ceux qui par leurs créations gagnaient une part d'immortalité, ils ont disparu mais leur esprit demeure. Et je cite en exemple Platon ou Flaubert... quand un élève s'exclame : ou Mickaël Jackson !
Et puis pour plusieurs les traces qu'ils nous laissent font qu'ils ne meurent pas tout à fait. Il nous reste "nuit et brouillard" "que c'est beau la vie" comme la semaine dernière, comme il y a vingt ans, et comme j'espère dans vingt ans. Il ne chantait plus sur scène depuis longtemps, et de mon coté de la mare aux canards, je ne l'avais vu qu'à la télé. Et je pourrai encore le voir à la télé, si jamais un programmeur se révèle intelligent (j'admets c'est rare).
Anne tu a en parti raison, mais parfois pour des raisons mystérieuses des personnes ce glisse dans ton cœur d’une façon particulier ! Je croie que sa fini pars nous arrive a chacune de nous un jour de vouloir témoigne sa tendresse pour une personne que l’ont aime ! Moi qui ne croie pas en la mort, la mort des autres ne révolte. Tous sais jours ci je vais a Belfort a l’hôpital et dans un servisse terrible je croise des gents ou tousses se pose des questions. Il y a une femme d’une élégance, si je l’avais croisé dans la rue je ne serais retourné pour mater sais fesses mais la je voie une femme qui vient voir sa vieil mère et qui espère, elle a perdu sont père il y a six mois et elle me dit bonjours et me demande des nouvelles de la personne que moi je viens voir. Et puis il y a les abandonnés les personnes qui meure tous seul heureusement que le personnels s’occupe bien de sais personnes en fin de vie !
heidi, il n'a pas complètement tort !!! C'est juste une question d'échelle du temps, justement !!
Moukmouk, de plus en plus rare, même.
Julio, je n'ai jamais dit que des personnes ne prenaient pas leur place, je n'ai même pas dit que je ne ressentais pas de la peine vis-à-vis des illustres ou inconnus disparus...
Il n'avait pas du tout tort tu veux dire !!! ;-)
heidi, je ne voulais pas dévaluer les références hautement culturelles que tu avais mises en avant !! LOL
Je reviens sur le commentaire de Pablo, qui est le pendant du billet d'Anne. Les deux façons de réagir devant la mort d'un artiste qui sont ainsi décrites me semblent paradoxalement similaires. Dans les deux cas, vous vous placez dans le domaine du rôle de l'artiste dans le monde, c'est à dire du rôle qu'il joue pour chacun de vous, chacun de nous.
Quand son œuvre est là pour témoigner qu'il fut bien vivant et actif, et qu'il a créé pendant des années des chef-d'œuvres plus ou moins grands, plus ou moins réussis, et quelques ratages grandioses, on sait que sa mort ne nous les enlèvera pas et le chagrin qu'on ressent devant la mort d'un proche aimé n'a pas de raison d'être.
Il n'a pas davantage de raison d'être lorsque l'œuvre est en gestation, ou que, quelle que soit l'œuvre passée, un combat est en cours qui n'est pas achevé, qui est loin d'être gagné. Alors ce n'est pas du chagrin que l'on ressent, n'est-ce-pas, Pablo, mais une colère intense devant l'injustice de la mort, qui vient sourire aux tortionnaires et bâillonner la voix nécessaire.
Il n'y a pas de honte à ne pas être chagrin de ces morts là, puisque œuvre il y a, puisque colère il y a. Vous avez dit la même chose, au fond.
Deux petits post-scriptum, dans mon commentaire déjà trop long: la tristesse ressentie à la mort de Jean Ferrat, pour les gens de ma génération, ne vient pas de la disparition d'un homme qui avait depuis longtemps disparu du monde de la création, mais du simple fit que cette mort nous renvoie à la nôtre. Jean Ferrat est mort, pense notre inconscient incorrigible, donc tu es mortel. Damned.
D'autre part, il va de soi que bien qu'ayant été nommé nulle part, ni chez Pablo ni dans aucun commentaires au commentaire de Pablo ni chez moi, l'écrivain argentin dont s'agit, et je crie son nom, est PABLO NERUDA.
Bon, j'ai dit une co*nne*rie. Pablo Neruda est chilien et il est mort en 1973 au moment du coup d'état de Pinochet, P de B de M, ce sont des choses qu'on ne devrait pas oublier.
J'en deviendrais grossier. Alors qui, l'écrivain? Borges? Mais il est mort à Genève en 1986, me rappelle Wiki machin. Disons Borges, n'est-ce-pas, Pablo? Mais j'ai un faible pour Pablo, le Neruda. Alors je continue à crier son nom, voilà. Pour le reste, je persiste et signe.
Cendres sur ma tête, goudron et plumes, et tu me recopieras le Canto General cent fois sur une feuille A4, recto-verso quand même.
andrem, merci beaucoup de cette intervention. Elle m'éclaire et me fait mieux "me", "nous" comprendre. Merci beaucoup encore.
Pour info : l'écrivain argentin dont parle Pablo c'est Julio Cortazar.
:)