(1) PREAMBULE : P. OU LE MYTHE FONDATEUR
Par Chiboum le mercredi 6 septembre 2006, 08:00 - Chrysalides et incubateurs - Lien permanent
Si très souvent, petite fille et adolescente, j'ai été amoureuse, j'ai eu des coups de coeurs, c'est il y a une dizaine d'années que j'ai pu dire que j'aimais quelqu'un. Au sens, pas seulement pour la cristallisation, les palpitations, l'occupation de mon cerveau et ce que ça peut nous renvoyer de positif, ces jolis états.
P., je l'aimais au-delà de ça, profondément pour ce qu'il était et en dépit du fait que ça ne me faisait pas le moindre bien.
Il faut croire, et quand je vois la femme qu'il a épousée, je le crois volontiers, que je n'étais vraiment pas faite pour qu'une histoire d'amour amoureux et partagé naisse de notre rencontre, en tout cas c'est ce dont il était persuadé. Notamment (mais pas seulement) parce qu'il était aussi mon meilleur ami.
Je crois, le pire de tout, que mon tempérament romanesque s'accomodait de cette situation douloureuse.
Bref, P. a fini par partir à l'étranger et en un claquement de doigts, j'ai perdu l'homme que j'aimais et mon meilleur ami. Ca fait beaucoup.
J'ai fait trois fois le voyage, entrepris d'apprendre l'hermétique langue locale (j'en connais dix mots, quand même), fait quelques démarches auprès du consulat pour voir quelles pistes explorer pour partir là-bas. Il disait : "Si tu le fais, ça me fera plaisir, mais ne le fais pas pour moi".
La dernière fois que j'y suis allée, j'ai rencontré celle qui est aujourd'hui sa femme. J'étais tellement aterrée par son choix que j'ai dû passer le séjour avec la machoire posée sur les genoux. Je suis repartie, avec en cadeau le double des clés de son appart dans la poche de mon jean (moi non plus, je n'ai jamais compris).
Je ne suis pas revenue. Et quand il m'a annoncé qu'il se fiancait, je me suis fâchée, il s'est fâché, et on s'est perdus de vue pendant des années.
C'était aussi l'époque de la fin des études et des premiers boulots, je vivais en bande, avec des sortes de cercles concentriques (les amies du premier cercle, les bons potes, les copains, les connaissances, les copains des copains des copains...) et je crois que je suis devenue tellement folle de douleur que tout ça a volé en éclat.
De tout ce qui était mon monde, ne restait que mes amies O. et A. et la sensation de vivre dans une chanson énervée d'Alanis Morissette.
Pendant cinq ans, les cinq années qui m'ont séparée de la rencontre "en vrai" avec L'Amoureux, je me suis appliquée à piétiner tout ce qui pouvait ressembler à de l'amour. Seules mes amis pouvaient m'approcher un peu pour de vrai. Et encore. Ou encore, je (me) faisais croire que je tombais amoureuses de types impossibles, avec qui vraiment, ça ne pouvait pas marcher, couru d'avance. Sans doute histoire de pouvoir entretenir la colère et me dire qu'ils étaient tous pareils.
Je brodais sur le thème de l'amour malheureux, et quand il n'y en avait pas assez dans la réalité, je m'arrangeais pour provoquer de quoi en passer une nouvelle couche.
Et au bout de ces cinq années, j'avais mis un couvercle au dessus de mon volcan intérieur. J'avais une armure assez efficace pour ne laisser passer, en gros, que ce que j'avais décidé. Et je regardais le couvercle agité par les crachottis du volcan en me disant que plus jamais, vraiment plus jamais, je ne me mettrais en danger à cause de quelqu'un d'autre.
(A suivre)
Commentaires
Très joli texte.
heureusement qu'on sait que l'histoire finit bien, parce que ce serait trop déprimant à lire sinon (OO) T-T
Merci Swâmi.
Tirui, ah l'histoire finira, je le crains, en mangeant des pissenlits par la racine ! Mais pour le moment, ça va bien, merci !
"Et je regardais le couvercle agité par les crachottis du volcan en me disant que plus jamais, vraiment plus jamais, je ne me mettrais en danger à cause de quelqu'un d'autre." Je me suis dit ça aussi mais la vrai surprise c'est quans j'ai constaté que j'en étais capable, ça m'a redonné confiance en moi et le volcan intérieur s'ensommeille...
On apprend comme ça parfois, en commençant par se faire mal ;-) (k)
@Anne :
Mesuré à cette aune, rien n'est jamais bien grave ;-)
Luciole, mais ne va pas raconter la suite de l'histoire, voyons ! LOL et (k)
Swâmi, ben oui et non. Savoir vivre chaque chose pour ce qu'elle est : aussi importante qu'éphémère... quel programme !
@Anne : En effet, mais je suis assez confiant en ce qui te concerne ;-)
Texte très touchant et très jolie ! L'amour, c'est tellement beau ! Et je te rejoins dans tes dires car quand j'ai vu avec qui il s'est marié, je me marre... :-E
Swâmi, c'est gentil. Effectivement j'ai réappris doucement ! Mais là aussi, c'est la suite de l'histoire.
L'Amoureux, j'ai cru que tu n'avais vu que ses longues cuisses fuselées de blonde nordique, pourtant ! :-E Oui, hein, on est pas tout à fait dans le même genre, elle et moi. Personnellement, je préfère moi (avec toi), ce qui indique une guérison en bonne voie (k)
"vivre dans une chanson énervée d'Alanis Morissette"* Ah, quand même !
"vivre dans une chanson énervée d'Alanis Morissette", j'aime bien l'idée. Contrairement à toi, j'ai peur de l'apaisement ("les gens raisonnables n'ont pas la belle vie"...). Peut-être ce soir ou demain, je te réponds sur mon blog sur ce thème ;)
barnabé, même pas mal aux oreilles !!
isadora, mais je n'ai pas dit que ce calme provisoire était une fin en soi ! Ca n'est que le début de l'histoire ! Avec plaisir à te lire...
J'ai bien peur d'être trop bien placée pour comprendre.
J'aime bien comme tu l'exprimes, notamment : "et la sensation de vivre dans une chanson énervée d'Alanis Morissette."
"en me disant que plus jamais, vraiment plus jamais, je ne me mettrais en danger à cause de quelqu'un d'autre" et "que j'ai dû passer le séjour avec la machoire posée sur les genoux".
En revanche j'ai loupé une marche avec l'histoire de la clef dans la poche du jean, mais peut-être est-ce une "private reference" qui n'a pas vocation à être compréhensible par n'importe qui.
Dans ton histoire au moins, tu savais pourquoi vous vous étiez perdus de vue et désaimés. Je pense qu'ensuite, même si c'est horriblement long et que la vie paraît d'autant plus désertique que ni l'amour ni la grande amitié n'y sont plus, comprendre les causes permet mieux de se réparer.
Je comprends d'ailleurs d'autant mieux le motif de ton éloignement d'envers lui, que jadis je parvins à guérir d'un premier amour perdu parce que la femme pour laquelle il m'avait quittée est quelqu'un de formidable et de très haut niveau. A partir du moment où nous avons continué lui et moi à nous revoir en famille et où j'ai appris à la connaître je me suis sentie mieux (en gros l'idée c'était : à sa place moi aussi je me serais quittée). J'aurais eu infiniment plus de mal à me remettre d'un abandon au profit de quelqu'une pour laquelle je n'aurais pas éprouvé la moindre admiration.
Tes mots font ressurgir des souvenirs !
Pour lui, je serais aussi allée au bout du monde ... Je me suis consolée en retournant chercher un précédent (insignifiant). Il m'en est resté ma fille et l'assurance d'avoir rencontré ensuite le bon mais restons vigilants n'est-ce pas ?!
J'aime beaucoup ce texte !
@ Anne
C'est vraiment un très très joli texte. Et me voilà maintenant en train d'attendre la suite avec une grande impatience.
PS : IL a épousé la voisine dont je parlais hier ?
Gilda, l'histoire de la clé, ça n'est pas une private référence, mais ça mérite d'être éclairci. On va dire que la partie "meilleur ami" en lui voulait que je sache que j'étais bienvenue n'importe quand, et que la partie homme qui ne voulait pas de moi ne s'est pas rendu compte de la part symbolique de ce cadeau...
Oui, j'ai la sensation de comprendre que tu comprends. C'est peut-être pour ça que j'ai mis si longtemps à te lire, en fait, peut-être que c'était prématuré pour moi il y a quelques mois d'être face à quelque chose qui a pris une telle place dans ma vie.
Je comprends aussi ce que tu veux dire par ton "à sa place moi aussi je me serais quittée" mais je ne crois pas une seconde que tu aurais eu raison de le penser. Chacun sa façon d'être de haut niveau, et tu n'es pas en reste, c'est... lisible ^^
Madeleine, le bout du monde, le bout du monde, ça n'était QUE la Scandinavie !! (Je rigole, bien sûr). Tu sais, plus ça va, plus je mets en doute cette espèce d'étiquette catégorique qu'est le mot "être le bon/la bonne". On est le bon ou la bonne personne à un moment donné de sa vie et de celle de l'autre, pour certains ça dure toujours et c'est incroyablement beau, pour d'autres l'histoire tourne court. Mais peut-être parce qu'elle ne pouvait rien donner d'autre. Alors, comme toi, je pense, j'aspire au futur lointain, mais j'aspire surtout à ce que chaque membre de notre trio soit heureux en tant que tel aussi. Ca fait partie de la suite, ça aussi !
Merci Samantdi, c'est un énorme compliment, ça ! (k)
Merci Sambucucciu. La suite viendra, petit à petit (et elle continue à s'écrire tous les jours). Alors sa femme est trop jeune pour le lifting et plutôt cordiale (mais je crois que dans son cas c'est culturel). C'est juste que je n'ai jamais trouvé de sujet de conversation avec elle qui aille au delà de 5 phrases et que je ne suis pas la seule !!
Ah oui... c'est fou ce qu'on est capable de faire par amour, en bien, ou en mal quand on retourne contre soi un amour qui finit pas bien.
Parfois il faut beaucoup de temps pour réparer les dégâts, ne serait-ce que parce qu'il faut du temps pour accepter pour soi la fin de l'histoire.
Et puis un jour...
... ça va mieux.
LaVitaNuda (aaaahhhh c'est bon de taper ça pour répondre à un commentaire !!!!), un jour ça va mieux, oui. Ou des jours ça finit par s'arranger.
Parfois je me demande si ce n'est pas le pire défaut de l'humain que d'aller se recoller dans des trucs pas possibles alors qu'on vient à peine de se remettre, plus ou moins à grand peine, du précédent "bug" ??!!! :-? A moins que ça ne soit sa plus belle aventure, à l'humain, que d'être capable d'aimer, encore, de nouveau et à chaque fois ?
J'ai failli ne pas avoir le temps de venir savourer ce beau texte ! Ouf. Merci Anne.
Merci à toi d'avoir pris le temps de venir, jolie Fauvette.
L'Amoureux est un véritable hérault, qui a su trouver sa belle enfermée dans le donjon…
^^ On comprend maintenant que tous le symbole de la princesse inaccessible…
J'ai hâte de lire la suite!!
Il y a un mot qui est resté coincé dans le pont-levis T-T
Je reprends: dans les contes, on voit sous un nouveau jour le symbole de la princesse inaccessible…
Merci Anne pour ce joli texte plein de sens...
Je sais plus que jamais pourquoi je viens te lire quotidiennement !
Quelle jolie prose sur l'amour et les états parfois incompréhensibles et pourtant incontrolables qu'il engendre... et ce en dépit du bon sens.
Comment ne pas me reconnaître dans tes propos,Amoureuse de l'Amour que je suis... moi qui suis là.. à tenter, toujours un peu difficilement, de mettre aussi un couvercle sur mon volcan intérieur...
Le veux-je vraiment? Me faut-il "me promettre de ne plus me mettre en danger par amour" ? Sur le coup, la réponse est ferme... mais toujours, elle se délite, peu à peu... avec le temps qui passe, les petits instants de bonheur et les belles rencontres. Tout ca vous fait inéluctablement changer de regard et peu à peu abandonner vos barrières intérieures dans la relation à l'Autre.
J'ai cru aimer très fort, j'ai même du l'aimer très fort mon "Amoureux" à moi, trop peut-être et il m'a fallu des années pour entrevoir qu'être "avec le bon/la bonne" était aussi et surtout une "certitude" qui se construit avec le temps, à un moment de sa vie où l'on est soi même capable d'être "le bon/la bonne" pour l'"Autre". Il m'a fallu ainsi des années pour comprendre qu'en dépit de toute l'intensité qu'un amour suscite, il n'est pas figé et invariable...
Merci à toi pour ces jolis mots, pour ce saut à pieds joints dans le ravin de nos tendres (et moins tendres) souvenirs...
Puisse ta suite à toi s'écrire avec toujours plus de tendresse, d'amour et de sourires de Cromignonne and Cie...
Voilà un texte (très beau et tendre, et très émouvant) qui me fait très très très fort réfléchir. En tout cas par certaines idées... :-/
Arf... J(
Mouarf Fazou !
Smilygirl, quand est-ce que tu ouvres ton blog ?
Véro, merci merci... ^^
Oh, quel écho! Sauf que moi j'en suis encore à la partie "je sais que je souffre, je sais qu'il souffre, mais pas moyen de se détacher"...Si t'as une solution miracle, je suis preneuse :) Et vu que je suis une furieuse curieuse, je t'envoie un tit mail, sur ton invitation, pour tout savoir 8-)
je veux connaître la suite!!!!
ça va pas de me laisser sur ma faim comme ça?
Flloh, je viens de te répondre. Et non, je n'ai pas de solution miracle, tu penses bien...
Merci angelina. Faut croire que la légende est vraie et que la souffrance ou ses souvenirs font les plus beaux écrits !
Nam-nam, mais la suite, tu la lis tous les jours, voyons !!! Ca vient. Demain un bout, déjà.
Bientôt bientôt Anne, dès que j'aurai récupéré un ordi qui marche... !!! Promis !
Eheh, vivement l'ordi, alors, smilygirl ! (Mais là tu te sers d'un ordi qui ne marche pas ? Ca ne se voit pas trop LOL )
Là, je me sers de l'ordi... du boulot... mais chut !
smilygirl, j'ai un secret : comme tout le monde !!! :-P
:-PP Ah bon ????????????????? :-E
Fais comme moi, toi aussi deviens Dictateur Informatique de ta boîte !! :-E
Nomého ! :-E