Vieux
Par Sacrip'Anne le mardi 10 novembre 2009, 08:55 - All about Chiboum - Lien permanent
Hier, après un week-end compliqué par l'angine et un truc digestif mal vécu par Cro-Mi, et donc peu de sommeil, et une journée courte, mais de malade, je suis rentrée plus tôt qu'à l'accoutumée pour cause d'heures à rattraper.
J'étais chargée de mission : passer chercher un petit jouet pour consoler l'enfant malade et passer à la pharmacie.
En voiture, en entrant dans notre rue, j'aperçois le doyen de notre immeuble qui sort pour sa promenade quotidienne. Je ne sais pas si le mot promenade est indiqué, c'est sa femme qui l'oblige (je pense, à juste titre) à sortir un peu tous les jours. Mais le vieux Monsieur C. est perclus de rhumatismes, et je ne suis pas sûre que cette sortie lui soit très agréable.
J'agite la main, tourne dans le quartier, vais me garer au parking, passe au magasin, et arrive en même temps que lui à la pharmacie. Il avait donc mis une demi-heure environ à parcourir 300 mètres...
Epuisé, il s'assied dans l'officine. Comme je passais juste derrière lui je me saisis de son ordonnance et m'occupe de ses médicaments, les lui donne, me disant que le temps que je papote il allait avancer un peu et que je l'aiderai pour la fin du trajet.
Que nenni. Ereinté par l'aller, il s'est levé à la fin de ma transaction. Vu le vent, le froid et son état, je lui ai proposé mon bras pour le ramener dans notre immeuble commun.
Une demi-heure.
Avec quelques rires sur les gens qu'on a croisés, quelques larmes sur sa douleur et son temps qui est passé.
Je ne suis même pas sûre de le trouver toujours sympathique, le vénérable Monsieur C. Mais ses larmes et ses difficultés de fin de vie m'ont émue. Son désarmement face à tout ce qui fait la vie quotidienne. Son incapacité à tourner la clé dans la serrure, à cause d'articulations douloureuses.
Sa récompense du fauteuil qui l'attend comme seule perspective.
Et son sentiment que l'essentiel est fait, qu'il s'accroche encore, mais que l'envie s'en va, doucement.
Joie de retrouver une famille plutôt en forme, malgré les petites maladies d'enfance, la fatigue, tout ça.
Commentaires
émouvant...ça me rappelle mon grand-père, 91 ans, fatigué de vivre, quelles perspectives à cet âge là quand "l'autre" a disparu? juste l'attente, laisser passer le temps, fauteuil, chaise, pendule comme dans la chanson de brel...la vie derrière comme un fardeau un peu trop lourd à porter...
le monde serait certainement moins dur si chaque jour nous tenions le bras à un Monsieur C...
Clara (quel joli prénom !), Monsieur C., dans sa vieillesse, a la chance d'avoir une femme plus jeune que lui qui le "pousse" un peu. Mais j'ai l'impression que pour lui, c'est la fin du chemin et qu'il le sait.
Hier, je lui disais combien les gens qui appellent pépé ou mémé les vieux me gavent, et ceux qui nient cette tristesse, ou cette fatigue à vivre aussi.
Mais le monde est ainsi fait que nous n'avons pas envie de nous dire qu'un jour on en sera là, d'une façon ou d'une autre. C'est sans doute pour ça qu'on ne prend pas assez le temps de tenir le bras d'un vieux qui passe...
C'est vraiment beau ce que tu as fait...Et je pense que ça compte énormément dans la vie de ce monsieur.
Alors oui, vraiment, je t'admire.
Bises
Oui, je suis d'accord avec Floh. Et je pense aussi que ce qui fait qu'un jour, on passe de l'autre côté (quand est arrivé cet âge), c'est le manque d'envie de vivre. Juste la compréhension, pas forcément verbalisée, mais la compréhension tout de même que ... voilà ... on est fatigué et qu'on est prêt ... à se laisser aller.
Finalement s'il n'a pas envie de sortir, pourquoi le forcer...
Hey Floh, faut pas pousser, c'était pas héroïque non plus, et puis j'avais le temps, pour une fois :(
Poufpouf, oui, et puis le fait de ne pas être traité comme une chose mais comme un humain...
Fauvette, parce qu'on dit que tant qu'on peut, il faut bouger...
Les structures pour personnes âgées manquent de personnel !
Tu veux changer de métier LOL
Crénom de nom, pas un instant pour ça, Madeleine !!! Tu as lu le bouquin de William ?
Non pas encore !
Mais tu sais je "nage" en plein milieu des personnes âgées depuis quelques semaines :-(
Par exemple tout à l'heure, avant de partir pour quelques jours, je passe les voir ... bref !
Tu as été le rayon de soleil dans la journée de ce monsieur :-k , il ne doit pas en avoir beaucoup...
Madeleine, alors c'est soit le moment, soit carrément pas DU TOUT pour le lire !
swahili, sa femme est charmante, tu sais ! En tout cas semble l'être. Alors je crois que c'est elle, son rayon de soleil principal !
Ça fait mal. Je n'arrive pas à me faire à l'idée du déclin. Je ne sais pas comment a vécu ce monsieur, mais son moral doit en prendre un sacré coup. Avoir été et ne plus être. brr, j'en ai des frissons dans le dos.
Cela m'attriste aussi...
C'est très touchant. Mais de cette image que tu dépeins, je vais garder ce que dit Swahili, cette lumière que dégage la jeune femme en train d'accompagner Monsieur C. (en écartant ainsi toutes les idées négatives que la vieillese de Monsieur C. m'inspire aussi). Bonne journée !
Finalement sa sortie "forcée" a été un bon moment, il a pu faire la causette avec une jeune femme qui avait (ou a pris) le temps de lui donner le bras et qui ne lui a pas donné du "Et alors M. C, comment il va aujourd'hui?" "Il se promène un peu, qu'il se couvre bien surtout, faudrait pas qu'il attrape froid, hein"
Enfin je le fais mal, mais je supporte pas les gens qui infantilisent les vieilles personnes et qui leur parlent à la troisième personne.
Bienvenue par ici, Douzaine. C'est ça qui est compliqué, c'est qu'avec tout le ralentissement lié à son âge et ses maux, il EST toujours, mais le monde qui l'entoure (les entoure, les vieux en général) a tendance à le nier...
Valérie, profitons, hein ?
Pablo, je ne pense pas avoir écarté toutes ses idées négatives, mais au moins, on s'est occupés un peu mutuellement !!!
Pappolène, oui, et les "pépé", surtout, en l'occurrence, venant d'une femme qui devait bien avoir 70 ans, ça m'exaspère !!! Lui il me dit qu'on s'habitue...
Hop, un bisou pour toi, parce que j'ai jamais eu l'occasion d'en faire aux gens qui ont eu ce genre de petites attentions pour le mien, de grand-père, quand il est arrivé au bout du chemin.
Certaines fins de vie sont très difficiles. Au moins il est chez lui, et je lui souhaite de pouvoir y rester le plus longtemps possible. Parce que même la plus belle et
chèreconfortable maison de retraite reste un pis aller de la vie, j'en sais quelque chose...Des :kiss, j'espère que les microbes ont déserté ?
Mlle Moi, ah ben merci pour le bisou ! Et c'est chouette si ton grand-père a été bien entouré.
Véro, bises, pour le reste, on s'est dit au téléphone !
Pardon, quand je disais :" Avoir été et ne plus être", je ne parlais pas de sa valeur d'être humain, ni de ses capacité intellectuelles, mais de ses capacités motrices. Quand celles ci partent en premier vous laissant un esprit vif et lucide, je crois que ce doit être terriblement douloureux à vivre. Et quand la tête part par intermittence, ce qui est le cas de ma grand mère, ses moments de lucidité sont angoissants. Elle répète les yeux dans le vague : "A quoi bon ? Que répondre ?
Douzaine, ce "à quoi bon", c'est sans doute ce qui nous fait le plus peur, non ?
Tu parles du livre de William Réjault ?
Oui, smily ! Coucou !