Sakineh,

Quand je pense à votre histoire, me revient une phrase citée dans "Nana Blues", d'Erica Jong. Que nombre d'hommes de votre pays doivent haïr, tellement elle est (Erica Jong) à l'opposé de leurs lois inspirées par dieu sait quoi. Certainement pas un dieu, quoi qu'ils en disent.

Cette phrase dit : "Nul ne peut être privé d'amour sans abondance de raisons".

Sakineh, vous avez aimé. Comme un être humain, doté d'un cœur qui bat, d'un corps. Nous ne sommes, au fond, que des mammifères, et que serait la vie sans cette intense vibration de l'amour, du désir ?

On vous a mise en prison pour cet amour. On veut vous tuer, vous assassiner (car même si la justice l'ordonne, c'est un assassinat). On veut vous tuer pour être humaine. On veut vous tuer sans raison humainement, et quoi qu'ils en disent, moralement valable.

Je ne reviens toujours pas de ces pratiques.

Aujourd'hui, Sakineh, je suis privée d'amour. Comme une européenne dans la trentaine, je me demande si quelqu'un va m'aimer de nouveau, si je vais aimer quelqu'un. Mais ça n'a pas d'autres conséquences qu'un peu plus ou moins de joie dans une vie qui n'en est pas dépourvue.

Aujourd'hui, on veut vous tuer. Pour le motif inverse. On devrait louer l'amour, on devrait remercier chaque être amoureux, d'apporter un peu de sa lumière à l'humanité.

Et même si ça paraît bizarre, nous qui ne nous connaissons pas, dans des mondes si différents, quand je sens mon moral qui flanche, je pense à vous.

Je me dis qu'il serait indécent de me lamenter alors que je garde mon entière liberté d'aimer.

Sakineh, je souhaite de tout cœur que les femmes ET les hommes du monde vous sauvent.

Vous, et toutes les femmes qui risquez de mourir dans la barbarie pour avoir laissé leur cœur battre, comme il se devrait.

Sakineh, je ne vous connais pas, mais je pense à vous tous les jours.

Sakineh

Sakineh Mohammadi-Ashtiani photo fournie par Amnesty International (Photo AFP)